ÉDITORIAL
Bon COP, bad COP

J’ai fait mon laïus auprès de mes élèves les plus âgés, parce que je ne pouvais décemment pas l’ignorer. Appelons-le enseigner l’esprit critique ou l’éducation citoyenne, mais certainement pas de la partisanerie. Parce qu’objectivement, utiliser nos impôts pour payer un voyage à la COP 27, en Égypte, aux quatre entreprises pétrolières les plus grosses au Canada, sous prétexte qu’il faut maintenir le dialogue avec ces immenses pollueurs, qu’ils « font partie de la solution », c’est une honte. Ironie extrême : ces sociétés, qui exploitent les sables bitumineux et le gaz de schiste, se sont présentées en tant que championnes de la transition écologique ! En effet, ne vont-elles pas « capturer » le dioxyde de carbone et l’enfermer à tout jamais ? C’était un peu comme inviter un pyromane à trouver des solutions aux feux qu’il a allumés et puis qu’il propose de planter quelques arbres en retour.
À part ça, ça va bien. On voulait réaffirmer que l’objectif de tous les pays de la planète, mu par le même souci du bien commun, était de sortir de l’exploitation des énergies fossiles, rien n’est dit dans le texte final. On visait un maximum de 1,5 degrés d’augmentation des températures moyenne, c’est mentionné du bout des lèvres ; en vérité, tout le monde sait que ce sera infaisable… Mais on ne les dépassera pas, promis, juré, craché ! Et le Canada est le premier à l’affirmer avec force. Le dire, c’est une chose, mettre en œuvre les moyens, en est une autre.
Par ailleurs, le deuxième résultat – historique, lui - de cette COP, mais dont le sujet apparut incidemment à l’ouverture de la réunion, est de prévoir un mécanisme, un fond permanent de dédommagement des pays victimes de catastrophes climatiques ; un genre d’assurance tout risque rapidement débloquée en cas de sinistre environnemental. C’est beau, c’est nouveau, et c’est une initiative des Pays du Sud, les mêmes qui polluent le moins, mais en subissent le plus les effets. Seul petit problème : les plus gros pollueurs de la planète (la Chine et les États-Unis pour ne pas les nommer) ne veulent pas y contribuer ! On ne sait toujours qui va payer ! Et quid du dédommagement des pays colonisés pendant les 150 dernières années d’exploitation et de pollution, et victimes massives aujourd’hui de la crise climatique ? Oups ! On l’a oublié !
Quand on apprend qu’il y avait à Charm el-Cheikh plus de lobbyistes proénergies fossiles que de groupes défenseurs de l’environnement et de la biodiversité, on comprend vite que l’optimisme de notre ministre fédéral de l’environnement, passé maitre dans la langue de bois, avec ses expressions atténuantes et ses déclarations creuses, n’est guère plus qu’un murmure éphémère. Cette fois-ci, les libéraux de Trudeau ont accouché d’un nouveau concept : le Défi mondial sur la tarification du carbone ! Commencez par atteindre les objectifs que vous vous êtes donnés dans votre propre pays, les gars, et on en reparle.
On a beau dire que le dialogue entre les états est nécessaire, que les COP sont juste le reflet ponctuel de l’état d’avancement de nos actions, la pilule est amère à avaler : c’est par une débauche d’allées et venues créatrices de GES, dans une station balnéaire pour les riches, que ces discussions ont lieu et mènent plus à de belles paroles (et encore !) qu’à des actes concrets.
