LETTRE
Réponse à la mise en garde de M. Jean-Claude Bouchard, Directeur général de la Commission scolaire des Portages-de-l’Outaouais, sur la série 13 Reasons Why (Treize raisons)
13 raisons pour ne pas faire l’autruche et ouvrir grand nos oreilles !
Cher M. Bouchard,
Je me suis sentie interpellée par la mise en garde que vous avez faite concernant la série 13 Reasons Why. Évidemment, vous avez raison de faire une mise en garde sur la prévention du suicide chez les jeunes. Toutefois, je réagis au fait que cette mise en garde devrait aussi aborder les autres thèmes véhiculés dans la série. En effet, la série ne se limite pas à un jeune «qui découvre 13 cassettes audio sur lesquelles une camarade de classe qui s’est suicidée explique son geste». Il s’agit plutôt d’une mise en scène qui explique les raisons pour lesquelles cette jeune fille a connu une détresse psychologique qui l’a menée à commettre ce geste irréparable. Parmi ces raisons, il y a le mensonge, la trahison, la solitude, l’intimidation, l’homosexualité, l’hypersexualité, les agressions sexuelles dont le viol, la notion de consentement. Et le silence : le silence des victimes, des agresseurs et des témoins. À quoi ça sert d’ouvrir la bouche quand il n’y a pas d’oreilles pour écouter ?
Vous avez aussi raison en mentionnant que :« le suicide est souvent associé à un trouble mental, comme la dépression, et qu’il est possible de traiter ces troubles. » Toutefois, il faut ajouter que les troubles de santé mentale, ça ne s’attrape pas comme on attrape un rhume dans le bus ! Ces problèmes peuvent se prévenir, notamment par la psychoéducation. Il faut informer les jeunes et échanger avec eux sur les facteurs qui peuvent conduire à la détresse psychologique. C’est justement ce que fait la série. Elle montre à quel point certains gestes peuvent être destructeurs et toxiques pour la santé mentale.
Bien que disponible en français sur Netflix depuis seulement le 31 mars, la série a déjà fait couler beaucoup d’encre. Pourquoi selon vous ? Et bien, qu’on le veuille ou non, cette école américaine n’est pas différente de nos écoles québécoises, qu’elles soient publiques ou privées. Bien que nos commissions scolaires se dotent de codes de vie, il y a encore trop d’agresseurs et trop de victimes. Et avec les réseaux sociaux, l’intimidation est non seulement amplifiée, mais de plus en plus invisible pour les intervenants scolaires.
En visionnant cette série, j’ai retenu 13 raisons pour lesquelles il faut cesser de faire l’autruche et ouvrir grand nos oreilles. Rendons-nous à l’évidence ! Les jeunes ne s’empêcheront pas de regarder la série, même si on fait des mises en garde. L’important, ce n’est pas qu’ils ne la regardent pas, c’est plutôt d’échanger avec eux sur les contenus. Pour ça, il faut s’ouvrir à leur réalité et écouter ce qu’ils ont à dire, ce qu’ils en pensent et ainsi, mieux dépister leur détresse le cas échéant.
Marie-Claude Guay, Ph.D.
Psychologue et Professeure au département de psychologie de l’UQAM
Résidente d’Aylmer