ÉDITORIAL
40 % de baisse des GES d’ici à 2030…
C’est ce que notre premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé lors du sommet international sur le climat (virtuel) organisé par le président Biden. Fait intéressant, cette annonce arrive quelques jours après le dépôt et l’adoption du budget, après cinq ans et demi au pouvoir et alors que les cibles précédentes n’ont même pas été atteintes.
Reconnaissons d’abord que les diverses pressions de ces derniers mois ont un peu infléchi la course que prenait la politique canadienne. Ainsi, les libéraux prévoient d’injecter plus d’argent pour des actions en faveur du climat : 30 milliards sur 4 ans. De cette somme, plus de 3 milliards iront à la protection de la biodiversité, qui, pour la première fois, est déclarée d’importance stratégique ; aux 15 milliards du plan Climat (décembre 2020) s’ajoutent désormais près de 18 milliards pour décarboniser l’économie ; 15 milliards devraient aller également aux espaces verts urbains, aux pistes cyclables et aux transports en communs électriques ; plusieurs milliards sont alloués à un programme d’efficacité énergétique pour les particuliers, les propriétaires et les OBNL ; 200 millions pour aider le secteur agricole, qui constitue la menace principale à la biodiversité à l’échelle planétaire, à implanter des solutions climatiquement responsables.
Attention, il ne s’agit là que du volet environnemental. Et, prenant acte de l’amélioration, nous pourrions nous en contenter. Malheureusement, c’est insuffisant et c’est faire fi du fait que le problème est multifactoriel. La crise climatique que nous vivons est la résultante d’un système et le seul bon moyen est de changer ce système. Pour utiliser une métaphore qui parlera aux amateurs de véhicules à moteur, imaginez un engin qui dysfonctionne et menace de vous lâcher à tout moment… Vous pouvez changer une pièce par-ci, une autre par-là, mais au final, c’est le moteur dans son entier qui n’est plus viable. Qu’attendriez-vous pour en changer ? Aujourd’hui, l’occasion est trop belle, non ?
Sinon, évidemment, on peut toujours pinailler, chipoter et observer les lacunes du premier budget fédéral de Mme Freeland. On sera alors déçu que rien ne soit dit sur les mesures précises
en faveur du climat. On déplorera que les plus riches ne soient toujours pas inquiétés, pas plus que ceux qui spéculent en bourse ou ceux qui gagnent de l’argent comme rentiers. Pas de taxes prévues sur les gains en capital ou sur les transactions financières. On se lamentera, parce que nous espérions que le gouvernement arrêterait de puiser dans ces fonds pour « verdir » les pratiques de l’industrie pétrolière, cette dernière ne sera jamais propre ! Un peu dans le même ordre d’idée, on aimerait que les subventions aux entreprises arrivent aux PME et pas à l’agriculture industrielle. Et puis pourquoi ne pas protéger nos ressources de concert avec les Premières Nations, les communautés locales et les scientifiques ? À quand de nouveaux incitatifs pour les constructeurs ou les conducteurs automobiles ? Pourquoi ne pas investir dans le développement du réseau ferroviaire ?
Le budget fédéral prévoit seulement un 36% de baisse des GES ; Trudeau a précisé qu’il aurait besoin des provinces pour les 4-5% qui manquent. En vérité, tout n’est pas qu’une question d’objectifs chiffrés, l’efficacité du dispositif est cruciale. Or, qu’il s’agisse des chercheurs universitaires ou des experts non-gouvernementaux, tous s’accordent pour dire que les mesures actuelles sont insuffisantes. Pourquoi faire de telles annonces ?