Conférence de Roger Blanchette
60e anniversaire du décès de Maurice Duplessis
L’ancien premier ministre québécois Maurice Duplessis est décédé il y a 60 ans, le 7 septembre dernier. Le professeur d’histoire et conférencier, Roger Blanchette, a raconté l’époque de cet homme politique influent au Musée de l’Auberge Symmes le 16 octobre. Celui qui a grandi dans la ville d’Asbestos a évidemment vécu de près l’ère Duplessis.
« Le chef », comme on le surnommait, a marqué la société québécoise par son autorité et en plaçant ses désirs personnels en premier. Parmi ses grandes réalisations, on compte l’impôt provincial et la création du drapeau québécois.
Début de l’Union nationale
Duplessis devient le chef du Parti conservateur en 1933. En 1934, il s’allie à Paul Gouin, chef de l’Action libérale nationale (ALN) pour former l’Union nationale (UN). Selon leur entente, s’ils sont élus, Gouin peut nommer tous les ministres et Duplessis devient chef du parti. Après 39 années de règne libéral, l’UN obtient une majorité en 1936.
C’est à ce moment que Duplessis prend contrôle de tout. Il oublie toutes les promesses de l’ALN, qui incluaient la nationalisation de l’électricité et le droit de vote des femmes. Celui qui est défini comme un anticommuniste instaure la loi du cadenas en 1937. Dorénavant, le gouvernement peut fermer tout édifice utilisé à des fins d’action communiste. Cette règle mène à la mort de plusieurs journaux.
En 1939, Duplessis déclenche une élection. Il promet que s’il est élu, il n’y aura pas de conscription. Malgré le fait que la majorité des Québécois sont contre la participation à la Seconde Guerre mondiale, ce fut le libéral Joseph-Adélard Godbout qui est porté au pouvoir. Il établit le droit de vote des femmes, le Code du travail, et Hydro-Québec. Il instaure aussi l’éducation obligatoire jusqu’à 14 ans et la gratuité scolaire au primaire.
Malgré ces grandes avancées, il est critiqué pour avoir permis la conscription au Québec en 1942. Il est défait par Duplessis en 1944.
Ce dernier avait des idées ultramontaines, ce qui signifie que le pouvoir politique est soumis au religieux. Duplessis impose l’ordre dans la province, il veut bloquer le changement. Il s’oppose à ce que le gouvernement fédéral remette des allocations familiales et des pensions de vieillesse.
Grève de l’amiante
L’événement qui a le plus marqué la carrière politique de Duplessis est certainement la grève de l’amiante à Asbestos. À l’époque, les syndicats étaient interdits. Pour déclencher une grève, il fallait qu’elle soit appuyée par le clergé. Il était donc presque impossible d’en entamer une. En 1949, les mineurs refusent de travailler en raison des horribles conditions imposées. Ils continuent malgré l’hostilité du gouvernement.
La police débarque en ville et en prend le contrôle. Des briseurs de grève remplacent des mineurs et sont protégés par les autorités. Le gouvernement instaure la loi de l’émeute qui rend illégal tout rassemblement de plus de deux personnes.
Toute la population est contre les actions de Duplessis dans cette affaire, même l’archevêque Joseph Charbonneau. Naît alors un mouvement national où la classe ouvrière et intellectuelle se rencontre pour soutenir Asbestos. La grève prend fin quand le syndicat accepte que des briseurs de grève continuent à travailler et que Duplessis accorde l’augmentation de 15 cents de l’heure que les mineurs avaient demandée au début.
En raison de cette discorde, jamais un député de l’Union nationale n’a été élu à Asbestos.
Innovation électorale
Maurice Duplessis faisait tout en son pouvoir afin d’obtenir le plus de votes possible. C’est lui qui a introduit le programme électoral, les pancartes et les publicités lors des campagnes au Québec. Son parti engageait même des gens qui allaient voter plusieurs fois à différents noms. On disait à l’époque que les morts allaient voter. L’Union nationale offrait des meubles ou des électroménagers aux gens pour qu’ils choisissent ce parti aux élections.
Ce qui est ironique dans l’histoire de ce personnage politique est qu’il ne voulait aucun changement, mais qu’il a ouvert la porte au bouleversement. « C’est la période où il y a eu le plus de changements dans la société québécoise. C’est ce qui a donné la Révolution tranquille qui est venue par après et donc, indirectement, toute la société actuelle vient de là. », affirme M. Blanchette.