ÉDITORIAL
Ah ! Les langues officielles !
Toute la famille a bien rigolé, lorsque j’ai lu la nouvelle. Depuis Londres, Thierry Henry — ancien international français et champion du monde — a salué le « rebranding » (en anglais dans le texte) de l’Impact de Montréal en Club de Foot de Montréal ; changement qui symboliserait Montréal « seule ville francophone de la MLS » (les francophones y représentent en vérité moins de la moitié de la population), pour une équipe où la majorité des joueurs ne parlent même pas français — et ne cherchent pas plus à l’apprendre que chez les Canadiens — dans un pays où personne ne comprend le mot « foot », diminutif qui renvoie à football — soccer — ailleurs qu’en Amérique du Nord. Si j’étais sarcastique, je dirais que cela résume pas mal notre situation.
Parallèlement, Rafael Payare, le nouveau chef — vénézuélien — de l’Orchestre Symphonique de Montréal est déjà capable, en trois mois, de répondre à des questions simples en français, au moment où nous avons un nouveau ministre fédéral (des transports) qui, bien que vivant au Canada depuis plus de 30 ans, ne parle pas un mot de français. Cherchez l’erreur. Le même Parti libéral du Canada qui « défend » le français en nommant des ministres unilingues veut « moderniser » La Loi sur les langues officielles, afin de permettre aux minorités linguistiques (anglophones au Québec, francophones ailleurs au Canada) de se développer.
J’observe une certaine contradiction à vouloir améliorer la situation des deux langues officielles, comme si elles étaient à égalité — et sur le papier, elles le sont — alors qu’il est évident que dans les faits, elles ne le sont pas. En parlant des faits, restons-y ; et il ne s’agit en rien d’enlever quoi que ce soit aux Anglo-québécois. Ces derniers, au nombre d’un peu plus d’un million, constituent 13,5 % de la population du Québec. Les francophones hors Québec, de leur côté, représentent entre 0,6 % (Terre-Neuve-et-Labrador) et 31 % (Nouveau-Brunswick) des habitants de leur province, pour un total de plus de 1 million, auxquels s’ajoutent les 6 millions de Québécois... mais en fait noyés dans la culture dominante de 300 millions d’anglophones.
Le Canada a fait le choix (largement discutable, considérant l’importance historique des langues autochtones) d’avoir deux langues officielles, le français et l’anglais. Partant de là, et à défaut de chercher à rendre la population totalement bilingue dans tous les secteurs d’activités et à tous les niveaux, on pourrait s’attendre à ce que tout le monde ait accès à des institutions d’enseignement et de santé dans sa langue ; ce serait le minimum, non ? Il n’y a même pas une université ou un hôpital francophone par province ! Certes, on trouve partout quelques collèges, quelques universités « bilingues » (avec un département ou un campus francophone), mais bon, rien à voir avec ce dont dispose les Anglo-québécois…
Le communiqué du Quebec Community Groups Network, la semaine dernière, est sympathique et positif, mais pourquoi conférer un statut spécial au français, en vue de rattraper le retard évident, qui existe entre les deux langues officielles, se ferait-il au détriment des Anglo-Québécois ? Il suffit de regarder où nous a menés l’actuelle Loi sur les Langues officielles pour comprendre qu’il y a objectivement un problème. Peut-être va-t-il falloir un jour décider si l’on veut vraiment d’un pays bilingue ou simplement éviter que le français ne devienne une langue folklorique.