ÉDITORIAL
Aux armes citoyens?
Je suis un peu étonné que personne n’ait envoyé un courrier de lecteur au sujet du re-gistre des armes à feu. Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie ou créer un débat alors qu’il y a consensus… D’abord parce qu’il n’y a pas consensus, mais aussi parce que cela me parait un sujet qui touche tout le monde, qui mérite un débat public. Et cela même si le gouvernement a déjà pris une décision avec son projet de loi 64. La possession d’une arme à feu ne peut laisser personne indifférent, quand on voit ce qui se passe chez nos voisins étatsuniens et les valeurs que véhiculent un bon nombre de jeux vidéos ou de films autour de ça.
Je connais, dans la région, plusieurs personnes qui chassent. Un de mes oncles était même chasseur. Un vrai. Le genre à passer des heures à marcher à attendre, quel que soit le temps, à l’affût d’une proie qui ne se présenterait jamais. Parfois, il revenait avec un lièvre, une perdrix, guère plus. Ce qui est certain, c’est qu’en France comme ici, les chasseurs sont essentiels à la régulation de certaines espèces. En l’absence de prédateurs comme le lynx, le loup, voire l’ours, les populations de sangliers et des grands cervidés se développent fortement dans les forêts. Leur prolifération est devenue nuisible : risque de collision avec des voitures, dommages sur les aménagements paysagers publics ou les jardins privés; faible régénération forestière due aux jeunes cervidés qui broutent les jeunes pousses des arbres. Il en va de même dans certaines régions du Québec avec le cerf de Virginie. Bon, l’être humain récolte ce qu’il a semé en morcelant les forêts et en les exploitant à outrance, mais là n’est pas vraiment le sujet.
Une arme de chasse est avant tout une arme à feu, au même titre que les armes de poing (plus facile à transporter et à cacher) ou qu’une arme de guerre, style fusil-mitrailleur. Le gouvernement du Québec demande simplement que l’arme soit inscrite et « tatouée ». Cela gratuitement. Pourquoi pas? Que l’on argüe que c’est dans la culture d’une partie de la population de posséder une arme, symboliquement au moins, depuis que, suite à la Rébellion de 1837, l’occupant anglais a interdit en 1840 aux canadiens-français d’en posséder ou dans les droits d’une personne de pouvoir se défendre, tout cela ne change rien au fait qu’une arme à feu est un instrument de mort terriblement efficace, que l’on ne peut mettre entre toutes les mains, qui ne peut être prêtée, donnée ou volée impunément. N’est-il pas raisonnable qu’il faille un permis (de possession et d’acquisition ou PPA), que l’on impose de la formation et que l’arme soit retraçable?
Question de principe, de valeurs. La sécurité, notre police nous la confère. Nos ancêtres se sont taillé une place sur le continent à coups de fusil : en est-ce pour autant respectable? Encore une fois, en milieu rural, il y a un intérêt et même un besoin. Pour le reste de la population, hormis les tireurs sportifs (après tout, c’est un sport olympique), je ne vois pas très bien l’avantage.
Mon point est simple : plus il y aura d’armes en circulation, plus il y aura de chances qu’une personne en utilise une à mauvais escient. « Mieux vaut prévenir que guérir ». Tout peut servir d’armes, c’est sûr, mais ce n’est pas comme tuer plusieurs personnes en appuyant simplement sur une gâchette. Au nom d’une certaine liberté (de tuer son prochain?), cherche-t-on le bâton pour se faire battre?