ÉDITORIAL
Avant nous le déluge, et après?
Beaucoup a déjà été dit. Cependant, en tant qu’éditorialiste et citoyen d’Aylmer, comment ne pas en parler? Notre communauté a été sévèrement touchée par l’épisode de pluie et de crue de ces dernières semaines. Et elle y a répondu avec force et solidarité. Ce n’est pas terminé, loin de là. L’après-inondation testera tout autant notre résilience : il faudra tout nettoyer de manière à ce que les lieux dévastés recouvrent un tant soit peu leur apparence passée. Quant au traumatisme laissé dans le cœur et l’esprit des gens, c’est une autre affaire… Après tout, avoir un toit au-dessus de la tête fait partie des besoins primaires de tout individu.
Il faut aussi se souvenir que ce n’est pas la première fois que la communauté subit les sautes d’humeur de mère Nature : les grands feux de forêt de 1870, le Grand Feu de Hull en 1900, l’explosion de la General Explosives Company en 1910, la grippe espagnole en 1918… Et je ne parle pas des inondations des printemps 1936 ou 1947, qui durèrent plusieurs semaines. Nous pourrions nous résigner : ne vivons-nous pas au bord d’une grande rivière?
Les Nord-Américains, et en particulier les Canadiens, ont toujours eu à affronter une nature sans pitié, surtout en hiver évidemment, ou au printemps justement. Chaque fois, ces catastrophes ont atteint la population locale dans sa chair et dans son âme. Chaque fois, les gens se sont relevés et la vie a repris ses droits. La survie, on connaît, elle est au fondement même de la vie des premières nations, puis des colons européens.
Alors, coup du destin? Fatalité irrémédiable? Au risque d’appuyer là où ça fait mal, nous devons prendre conscience qu’en tant qu’êtres humains nous avons une responsabilité grandissante dans ce qui se passe. Les spécialistes en environnement estiment que 50 % des épisodes climatiques extrêmes de ces 20 dernières années sont dus à une activité humaine qui a déstabilisé l’équilibre naturel pour longtemps.
Ça ne va pas s’arranger dans les années à venir malheureusement. L’illusion d’un prix du baril de pétrole à 45 $ nous conforte dans notre mode de vie « consumateur » d’énergies fossiles non renouvelables; les nouvelles opportunités de forage dans le Grand Nord suite à la fonte du pergélisol nous y poussent encore davantage. Mais pendant combien d’années cela va-t-il durer? Et à quel prix? Pensez à ce que vont coûter les inondations de ces dernières semaines, aux propriétaires des lieux saccagés, aux pouvoirs publics et aux assurances. Qui d’après vous en paiera le prix en fin de compte? Qui va voir ses primes d’assurance (si on accepte de vous assurer) ou ses impôts augmenter?
Quoi qu’en disent les climats-négationnistes, il est un fait que nous allons devoir assumer : au Québec, en hiver et au printemps, les précipitations seront de plus en plus nombreuses et volumineuses. Pendant ce temps, au nom de l’économie et des emplois, nos gouvernements acceptent de nouveaux projets d’oléoducs, d’exploitation de gaz de schiste ou de sables bitumineux. Calculs et dépenses à court terme pour des résultats (et des élections) à court terme aussi. Et si nous versions l’équivalent de ce que tout ce que l’industrie minière et pétrolière reçoit dans le développement des énergies vertes? Pourquoi cela ne créerait-il pas des emplois? Nos hommes politiques ont-ils vraiment étudié l’économie? Dans ce cas-là, ils devraient connaître le concept d’économie circulaire… On se demande parfois qui est véritablement aux commandes! En tout cas, s’il y a des « réfugiés climatiques » dans le monde, il se pourrait que nous en fissions partie plus rapidement que prévu.