ÉDITORIAL
Aylmer, pour la vie?
J’en suis revenu tout ragaillardi ! Je m’apprêtais à écrire un éditorial sobre, grave même, sur le présent et l’avenir du journalisme, mais j’avoue avoir été surpris samedi après-midi. Je crois que j’étais tout simplement heureux. Je venais de flâner sur la rue Principale, en constatant l’affluence pour « La Principale se sucre le bec », puis de passer près de quatre heures au Cinéma des galeries Aylmer.
À mon programme, deux film pour seulement 18$ : Hochelaga, terre des âmes et Knock, librement adapté de la pièce de Jules Romain. Le premier, réalisé par le Québécois François Girard, est une fresque historique sur les origines de Montréal. Mais attention, non seulement le film est visuellement très réussi (la photo et la réalisation sont somptueux), mais les acteurs sont également formidables (Raoul Trujillo, David La Haye, Gilles Renaud, Sébastien Ricard et combien d’autres). Cependant, j’ai été interpellé par le scénario; sans vendre le punch, le film fait des allers-retours entre le XIIIe et XXIe siècles, tout en s’arrêtant sur plusieurs moments-clefs de l’histoire du Mont Réal (royal) et finit en quelque sorte là où il a commencé. De manière circulaire. Les personnages, décrits au long des retours en arrière sont en fait les ancêtres des joueurs de l’équipe de football mise en scène au début… Cela doit vous paraître opaque et quelque peu compliqué présenté ainsi, mais je vous assure que c’est brillant et boucle parfaitement la boucle, si je puis dire.
Quant au film réalisé par la Française Lorraine Lévy et sorti en 2017, c’est une comédie enlevée et sympathique, avec une réelle bonne humeur et de belles interprétations. Ici aussi, sur le plan de l’image, c’est très réussi, quoique moins flamboyant. Tournée dans le sud de la France, l’histoire reprend celle de Jules Romain, dans la pièce Knock ou le triomphe de la médecine. Le titre complet est parlant, et extrêmement ironique après coup, dans le contexte actuel au Québec… En tout cas, ce film s’inspire seulement de l’histoire d’origine, parce qu’une histoire d’amour y a été ajoutée qui rend le « docteur » Knock moins inquiétant, moins ambigu et plus humain. En plus, il est incarné par le surdimensionné acteur d’origine africaine Omar Sy, et les habitant de St Maurice, petit village où se déroule l’action, passent tout le film à chercher ce qui les différencie du singulier personnage. Bel humour et belle leçon d’humanité! Pour être honnête, la romance m’a un peu énervé, mais le film est si bien fait que l’on en sort quand même tout joyeux.
Au-delà de du récit anecdotique de mon après-midi, je voulais simplement dire que je me suis senti vraiment fier d’appartenir à une communauté – Aylmer – capable d’offrir ce genre d’activités culturelles à ses membres. La culture, c’est bien sûr le théâtre, les concerts de musique, les expos d’arts, mais aussi la gastronomie, le sport ou les festivals de films. Nous avons tout cela ici. Et si de surcroît, on peut le faire dans des lieux à taille humaine et conviviaux, que demander de plus? Évidemment, on peut voir le mal partout, et dans ces évènements une manière artificielle de booster l’économie locale (credo de l’APICA). Dans un monde où les programmes politiques se résument souvent à tout miser sur l’économie, pas étonnant. Il n’en reste pas moins que c’est appréciable en tant que résident. Les gens viennent de partout dans la région à cette occasion, y compris de l’autre côté de la rivière. Suis-je chauvin et à ce point parti pris, ou bien Aylmer serait-elle tout simplement le phare de Gatineau en matière d’activités culturelles?