ÉDITORIAL
Besoin d’une traduction, monsieur Amdur ?
OK, on se calme ! Essayons de faire dans la nuance. Si le premier ministre Legault semble toujours ne pas comprendre ce qu’est le racisme systémique, cela ne fait pas de lui un raciste. Idiot peut-être, cynique ou dans le déni, probablement. On peut admettre qu’en refusant de le reconnaitre, implicitement, il encourage certains comportements intolérants. Le racisme systémique existe bel et bien au Québec, comme ailleurs au Canada, il concerne un paquet de comportements qui dénotent un biais, des a priori, des croyances fondées souvent sur des stéréotypes, mais sans volonté claire d’être raciste, sans nécessairement une construction idéologique pour les soutenir.
Certes le dictionnaire Larousse consacre la confusion très moderne et un brin illettrée qu’a suivie notre interlocuteur, un amalgame bien de notre époque, à propos du mot « racisme » : est raciste toute parole ou tout acte, toute « attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie déterminée de personnes ». Ainsi, on pourrait faire ou subir du racisme anti-femmes, anti-juif, anti-homosexuels, anti-étrangers, antijeunes, anti-nudistes, que sais-je ? Toutefois, chez moi, le premier s’appelle la misogynie, le second se nomme l’antisémitisme, le troisième, l’homophobie et le quatrième, la xénophobie. Au lieu d’alimenter la confusion ambiante, j’aimerais bien que les choses soient nommées précisément ! Plus globalement, en termes de religion, je préfère le terme d’intolérance religieuse, une manière de se rappeler que, déjà, Voltaire vilipendait ce vieux défaut de l’humanité, et qu’avant lui, avaient eu lieu les guerres de religion, l’Inquisition, la Reconquista, les Croisades, l’expansion musulmane des VIIe et XIe siècles, et plus loin encore, les massacres des premiers chrétiens, tout cela largement relié à l’idéologie peu ouverte des monothéismes… Bref, rien de nouveau sous le soleil.
Pour revenir au racisme, le même Larousse se souvient quand même que le mot désigne également « une idéologie [et des comportements fondés] sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains, les “races”. » Pour moi, une seule race humaine existe, avec divers peuples caractérisés avant tout par des cultures plus ou moins différentes. Et comme je l’explique à mes élèves, placer la discussion à ce niveau-là, utiliser ce paradigme de race noire, blanche, bleu, jaune ou verte, même au nom de l’antiracisme, c’est en fait rentrer dans le jeu et être soi-même raciste. Étrange ironie !
Mais alors, là où certains feraient mieux d’apprendre plusieurs langues, s’immerger dans la culture et l’histoire des autres peuples qui fondent le Canada, c’est lorsqu’ils abordent les concepts de laïcité, de neutralité de l’état ou de langues officielles. Un petit coup de Larousse sur la tête ? Laïcité : « Conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l’Église [de la religion] et de l’État et qui exclut les Églises de tout pouvoir politique ou administratif […] Caractère de ce qui est […] indépendant des conceptions religieuses ou partisanes ». La neutralité de l’état et de ses représentants, les fonctionnaires, en est une émanation, qui garantit le droit d’être traités équitablement sans regard à la religion ou aux croyances politiques justement. Ce n’est pas du racisme ou de l’intolérance religieuse, c’est le contraire. Et alors, la loi 101, qui ferait du « racisme linguistique », on est carrément dans le délire ! 14 millions de francophones au milieu d’un océan de 400 millions d’anglophones, sans la Loi 101, qu’en resterait-il aujourd’hui ? Aucun rapport avec le racisme.