LETTRE
Bombardier et l’aléa moral
Quand on pense aux joyaux de Québec inc., Bombardier est probablement le premier nom qui nous vient en tête. Au fil des ans, l’entreprise a réussi à se hisser parmi les acteurs majeurs du secteur des transports.
Malgré tous ses succès, Bombardier se retrouve périodiquement en difficulté financière et va régulièrement cogner aux portes du gouvernement pour obtenir de l’aide. Depuis 1966, c’est plus de 4 milliards que les contribuables ont été contraints de lui verser. Malheureusement, à force de payer pour les frasques de l’entreprise, nous avons encouragé un comportement irresponsable face au risque chez Bombardier.
Depuis la crise financière de 2008, le concept d’aléa moral est de plus en plus discuté, tant dans les sphères politiques qu’économiques. Nous en avons beaucoup discuté par rapport aux grandes banques américaines, mais il s’applique tout autant à Bombardier.
À partir du moment où une entreprise est perçue comme étant trop grande pour tomber et qu’elle le sait, elle change sa relation avec le risque.
Aux États-Unis, l’aléa moral s’est manifesté par une surexpansion du crédit qui a mené à la crise de 2008. Les grandes banques s’étaient habituées à ce que le gouvernement leur vienne en aide chaque fois qu’elles passaient près de la banqueroute ; elles s’attendaient donc à se faire aider à nouveau si jamais les choses allaient mal. À l’exception de Lehman Brothers, cet aléa s’est avéré lucratif.
Pour Bombardier, ça s’est manifesté au cours de la dernière décennie alors que l’avionneur a mené simultanément trois projets majeurs : sa nouvelle série de jets d’affaires Global 7000, le développement du Learjet 85 (abandonné en 2015), et la C Series. Ces projets lui ont coûté des milliards. Bien qu’individuellement, chacun d’entre eux soit fort intéressant, le fait de les faire simultanément est un énorme risque pour toute entreprise, même de la taille de Bombardier.
Cependant, avec les années, comme les politiciens ont répondu aux appels de financement de Bombardier, la perception du risque a changé dans l’entreprise.
Bien que nous espérions que Bombardier puisse passer à travers cette phase difficile de son histoire, il serait irresponsable que le gouvernement continue d’encourager indirectement de tels comportements risqués.
Renaud Brossard, FCC
Montréal