ÉDITORIAL
Bonjour de Tokyo!
Cette semaine, pour rajouter un peu de piquant à mon éditorial, j'ai décidé de vous écrire depuis le Japon! Je blague... à moitié, puisque je suis bien à Tokyo au moment où j'écris ces lignes, pour ma pratique martiale essentiellement, et un peu de tourisme aussi. Et s'il est vrai que l'on peut difficilement comparer la mégalopole nippone à la ville de Gatineau (situation géographique, population, superficie, mode de vie, habitudes en matière de développement urbain, etc.), il n'en reste pas moins que l'équation en termes de transport est toujours la même: comment faire en sorte qu'un maximum d'usagers puisse prendre les transports les plus adaptés à leurs besoins, au moindre coût possible, sans que le reste de la population en pâtisse, et dans le souci d'un développement durable, "avec un train d'avance" pourrais-je ajouter?
En Amérique du Nord en général, et à Gatineau en particulier, on aime prendre sa voiture, quitte à se retrouver dans les embouteillages à l'approche des ponts et à voyager seul. Je ne reviendrai pas sur ce dernier sujet. À l'autre bout du spectre, nous trouvons les convaincus du vélo, aidés en cela par un réseau de pistes cyclables appréciable. Admettons cependant que ce dernier moyen de transport résiste mal à l'hiver... et reste individuel. Entre les deux, point de salut, alors? Vous me rétorquerez: et l'autobus? Mais oui, j'y ai aussi pensé, rassurez-vous. Beaucoup même. Il est vrai qu'avec ses cinq secteurs, la ville est très étendue: 55 kilomètres d'est et ouest, et les les lignes d’autobus ont du mal à se rendre aux extrémités, nous en savons quelque chose. À Gatineau, la densité de la population est relativement faible (773 habitants au kilomètre carré, contre 2 400 à Tokyo). Evidemment, on ne joue pas dans la même ligue.
Cependant, nous en sommes encore ici à discuter de l’ajout de lignes d'autobus, ou de modifications en fonction des besoins de la population grandissante de l'ouest de la ville, par exemple, tout en refusant d'utiliser le boulevard des Allumettières (!). La plupart des moyennes et grandes villes en sont à réduire l'usage du moteur alimenté au pétrole pour opter plutôt pour l'électrique, moins coûteux et moins polluant, et elles intégrent même différents moyens de transport. Ainsi, a Tokyo, non seulement a-t-on gardé le train électrique (de surface), qui avait remplacé le tramway du début du XXe siècle, mais on a rajouté le métro et des trains ultra-rapides de type TGV (Train à Grande Vitesse), pour obtenir au final trois niveaux superposés de transport ! Un truc de fou, pour m'exprimer familièrement, lorsque le voyageur (a fortiori étranger) se retrouve en plein coeur des plus grandes stations de la ville.
Cependant, il faut se rappeler que cette organisation très sophistiquée correspond à un besoin (celui de 13,5 millions de personnes dans Tokyo intra-muros, 42 millions avec la couronne), et ensuite, que toutes ces lignes ont été privatisées. Ce dernier aspect mériterait en lui-même une certaine réflexion. En effet, confier à des intérêts privés (guidés par un objectif de profit grandissant) un service public ne peut se faire sans établir des balises: l'usager doit s'y retrouver en ce qui concerne la qualité du service, le prix et la desserte.
Alors, comme citoyen, que tirer de cette réflexion interculturelle? Essentiellement, qu'il faut s'informer, regarder un peu ailleurs pour avoir une perspective plus large et garder l'ouverture d'esprit nécessaire pour penser hors du cadre de nos vies, de nos expériences, de nos contextes spécifiques. Cela en gardant à l'esprit nos limites, nos moyens actuels et nos contraintes locales. Mais que diable, un peu d'audace et de vision à long terme!