ÉDITORIAL
Bouillie de culture
Le mot « culture » n’est pas si courant dans l’actualité politique locale, il est rare qu’un maire demande au palier supérieur de gouvernement, le provincial, des modifications dans sa politique culturelle. Cependant, c’est le moment, puisque le gouvernement Couillard prépare une nouvelle « Politique de la culture ». C’est l’objet du mémoire de Maxime Pedneaud-Jobin, au titre audacieux (« Placer la culture au centre de nos vies vers un nouveau partenariat culturel ») déposé auprès de la commission chargée d’évaluer les besoins au Québec.
Vous me direz : quels avantages à avoir une politique culturelle digne de ce nom? Ils n’ont pas changé depuis le XVIIe siècle, où le Roi-Soleil, Louis XIV, l’utilisa si magnifiquement : la reconnaissance (inter) nationale et les retombées économiques (au Canada, la contribution au PIB de ce secteur est plus importante que celle des services publics ou de l’hébergement; 47,8 milliards de dollars, 647 000 emplois en 2010, dont une bonne partie provient du Québec). Et en quoi consiste exactement une politique culturelle? À mettre en place un plan quinquennal pour aider les médias imprimés à faire face à la révolution numérique; à maintenir la gratuité des écoles supérieures d’art; à favoriser davantage les sorties scolaires et d’initiation aux arts pour les élèves; à gérer le patrimoine… ou à permettre aux différentes cultures et langues, officielles ou non, y compris au fait francophone, de garder leur place dans notre société. Concrètement, l’état agit donc principalement en injectant de l’argent dans le système.
Selon l’UNESCO la culture « dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs […] qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. » C’est ce que nous sommes, notre identité, ce qui nous différencie des autres en tant que communauté, quelle que soit l’échelle. Elle ne se réduit pas aux spectacles qui passent à la Basoche ou au musée de l’Auberge Symmes. En réalité, la culture est tout autour de nous, tout le temps, nous sommes parties prenantes et à la fois vecteurs de notre ou de nos cultures. Elle nous habite.
Or, il apparaît que la requête du maire de Gatineau soulève des questionnements sérieux, sur fond de sensibilité identitaire et linguistique. Certains citoyens anglophones se sentent humiliés à en juger par certaines lettres parues la semaine dernière dans le Bulletin : notre maire réclame une nouvelle politique culturelle au nom de la juste reconnaissance de l’apport de la population autochtone à l’identité de la ville en oubliant celui de la population anglophone. 1) l’intention est louable vis-à-vis des Premières nations de l’Outaouais, mais le point est discutable, puisque les Amérindiens ont été systématiquement écartés du développement de la ville depuis la fondation de Wright’s Town en 1800. 2) que fait notre premier magistrat de l’apport des anglophones qui, jusqu’à 1850, étaient majoritaires de ce côté-ci de la rivière et restent encore bien présents aujourd’hui?
L’idée de culture est indissociable de celle de communauté. On peut estimer – et certains nous le prouvent régulièrement par leur fermeture à la langue et à la culture de l’autre – qu’il y a trois, quatre, cinq ou six communautés qui sont voisines (façon multiculturalisme) ou bien on peut penser qu’il y a une seule communauté gatinoise, de l’Outaouais, qui se décline en plusieurs autres communautés géographiques, linguistiques, etc. qui se chevauchent et se mêlent plus ou moins. Alors, voulons-nous des cultures voisines ou une culture commune? Telle est la question.