ÉDITORIAL
Business is business
Hein que l’économie c’est important ? Nous, Québécois, on fait passer la productivité avant tout le reste ! On est des laborieux ! D’ailleurs, en bon directeur général d’Air Transat, excusez-moi, de premier ministre, François Legault a écarté la proposition de prendre congé au nom de la réconciliation avec les Premières Nations. Y aura d’autres occasions, voyons donc !
Mais revenons plutôt à nos moutons, et allons dans le sens de nos décideurs un peu myopes… parlons é -co-no-mie. La crise sanitaire que nous vivons depuis deux ans permet de tirer plusieurs constats. C’est Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019 qui le dit ; on peut lui donner un peu de crédit. Sa spécialité : l’évaluation des meilleures manières de lutter contre la pauvreté. Tiens donc ! Et elle y associe la nature humaine, la justice sociale, la responsabilité sociale et les défis mondiaux ; preuve que tout est interconnecté.
D’abord, le rôle primordial des gouvernements. Je sais, en Amérique du Nord, ça fait un peu socialiste ou « fasciste qui en veut à nos libertés ». Et alors ? Les faits ont la tête dure: qui d’autre aurait pu imposer des règles de confinement ces derniers mois, qui nous permettent aujourd’hui de redémarrer nos activités ? Ou financer la recherche d’un vaccin aussi rapidement ? Ou déployer des plans d’aide permettant à des dizaines de milliers de travailleurs et leurs familles de survivre ? La philanthropie des multinationales, des barons de la bourse, des banques ou de nos chères entreprises franchisées ?
La crise de la CoVid-19 a permis aux gouvernements de redorer leur blason. Depuis les premières crises sanitaires, il y a un peu plus de dix ans, leur aide financière d’urgence a prouvé son utilité. Le rebond économique s’en est toujours trouvé accéléré. Ici ou ailleurs, un accès aux soins et aux médicaments peu coûteux et un revenu minimum « universel » (permettant à un être humain de se loger et de se nourrir) ne le rendent pas plus paresseux. Le croire est tout simplement faux. Attention, ici, au Québec, au Canada, nous avons les moyens de mieux cibler nos aides, d’être plus généreux, contrairement aux pays pauvres.
Par ailleurs, les experts ont également retrouvé grâce auprès de la population pendant la crise sanitaire. Les scientifiques ont été les premiers à nous avertir, puis à nous guider. Toujours avec les mêmes méthodes, d’autres scientifiques tirent depuis des lustres la sonnette d’alarme pour une autre crise, la crise climatique. Qu’attendons-nous pour les écouter ? L’être humain — toujours lui — a de la difficulté à se projeter dans un avenir radicalement différent, selon la chercheuse du MIT. C’est le moins qu’on puisse dire !
Enfin, d’une certaine manière, la Covid-19 a remis tout le monde sur un pied d’égalité. Les pays riches comme les pays pauvres ont eu à la subir et les premiers ne seront à l’abri des variants que lorsque la vaccination sera suffisante chez les seconds. Esther Duflo parle de « communauté de destin », on pourrait aussi dire « prise de conscience collective à l’échelle planétaire ». D’ailleurs, pour les changements climatiques, c’est pareil : la réduction des dommages (avérés maintenant) ne pourra avoir lieu que si nous convainquons les Pays du Sud de se développer d’une manière durable. Encore faudrait-il commencer par nous l’appliquer et pas seulement avec des « meilleurs plans » sur le papier, y compris à l’échelle municipale!