ÉDITORIAL
C’est la guerre!
C’est la course entre nos distingués favoris au poste de premier ministre du Québec. On colle le conducteur de devant, on le double en débouchant sans mettre le clignotant, on lui coupe la route… En fait, pire que cela, c’est la guerre.
Une véritable guerre, pas drôle et sans règles. Celle où tous les coups sont permis. Quelques exemples? Annoncer que l’on ne se rendra pas à une rencontre avec des représentants des syndicats agricoles à propos de la gestion de l’offre, afin que le parti concurrent fasse de même, puis à la dernière minute s’y rendre, le faisant ainsi passer pour un lâcheur; permettre à l’un de ses candidats d’insulter son rival, puis minimiser les propos lors du débat des chefs tout en continuant de le caricaturer soi-même; faire peur à l’électorat pour mieux le contrôler : à défaut de pouvoir agiter le spectre séparatiste, on taxera notre principal concurrent de raciste, d’intolérant et d’ignorant.
Mauvaise foi, hypocrisie, déni et déloyauté sont le pain quotidien de ces combattants que nous nous apprêtons à élire. Car, on le sait que tous les partis entendent défendre la gestion de l’offre, que Legault n’est pas plus raciste que Couillard, qu’aucun des deux ne défendra l’environnement de toute façon. « Assurons-nous d’abord de la stabilité de l’économie », qu’ils disent tous. « Emploi pour les uns, bénéfices pour les autres, croissance pour tous ». L’économie, la priorité. Avec l’éducation, faite pour préparer les gens au marché du travail (pensons au cours de « finances personnelles ») et la santé (pour maintenir la main d’œuvre en forme et active, même si on peut douter sur ce point…). Alors les gros partis parlent gros sous, ils font promesse sur promesse, « tout le monde, il est beau tout le monde, il est gentil »… sauf le vilain adversaire évidemment. Et on se perd dans les polémiques vaines.
Le vrai problème est ailleurs. Pour les libéraux, les caquistes ou les péquistes, le discours politique est fondé une seule prémice : il faut de la croissance - synonyme de progrès selon eux - toujours plus de croissance. Cette dernière se définit comme l’évolution annuelle du Produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire l’augmentation des facteurs de production (culture de nouvelles terres, ouverture de nouvelles usines), mais aussi les gains de productivité (la manière de produire plus sans augmenter les facteurs de production, par exemple en automatisant). Bref, plus on crée de produits et de services, plus on vend et on achète, meilleure est la croissance.
Mais la croissance a-t-elle jamais réduit la pauvreté ou renforcé la cohésion sociale? Pourquoi devrions-nous consommer sans cesse et de plus en plus fréquemment? Et le devrions-nous? Avons-nous besoin d’une deuxième ou d’une troisième voiture, d’un bain à bulles ou d’une piscine, d’un chalet ou d’un autre engin à moteur – nous avons maintenant pour chaque saison! —?
Comparez les chiffres de fréquentation des bureaux de vote avec ceux des centres d’achat et vous comprendrez qu’aujourd’hui qu’acheter (ou pas) a plus d’influence que voter. Malheureusement, nous laissons trop souvent notre cerveau rationnel en entrant dans un magasin, les spécialistes du marketing le savent. Toutes les solutions seront désagréables si l’on veut sauver notre planète, notre seule planète. Je voterais pour le parti qui le dira haut et fort : « Décroissance! »