ÉDITORIAL
C’est le temps des sucres !
Nous avons avec les Ukrainiens plus d’affinités que l’on pourrait croire. Tiens, au printemps, après un hiver rigoureux, comme chez nous, le sol dégèle — climat continental oblige. S’ensuivent alors plusieurs phénomènes. À commencer par l’état de nos voies de communication terrestres. La « raspoutitsa » ou « temps des mauvaises routes » est celui de la boue collante, l’équivalent de notre « sloche », des bourbiers que l’on retrouve autant dans les champs que sur les bas-côtés ou à l’arrière des maisons. Comme chez nous, cela dure plusieurs semaines. Napoléon en son temps, en fit l’expérience, à son grand regret. Il s’y perdit et dû battre en retraite. Les blindés de Poutine traversent la même épreuve que la cavalerie et les canons de l’Empire… avec peut-être le même résultat. C’est tout ce que l’on souhaite aux Ukrainiens.
En fait, l’Ukraine et le Canada sont assez comparables, sous plusieurs aspects : le premier compte 43 millions d’habitants, le second, 38 millions, certes avec une superficie dix fois moindre, mais avec un secteur agricole qui en fait l’un des principaux producteurs du monde… Comme le Canada. Or, le printemps est non seulement la période du dégel, mais aussi celui des semailles, en vue des récoltes de l’été ou de l’automne. Vous et moi sommes plutôt des citadins, nous avons perdu de vue cet aspect-là de notre existence. Pourtant, encore près de 200 000 fermes se trouvent sur le territoire canadien, elles couvrent 7 % de la surface, et nous sommes bien contents d’avoir accès à nos agriculteurs locaux, soit sur les marchés en plein air qui vont refleurir bientôt soit directement chez eux. Circuit court, produits de qualité, aide à l’économie locale, cela n’a que des avantages.
Alors, évidemment, ici, le retour du printemps est marqué par l’ouverture au public des cabanes à sucre. Cette institution a survécu à la pandémie malgré les restrictions sanitaires et nous allons pouvoir déguster à nouveau le jambon, les cretons, les fèves au lard, les « oreilles de criss » et la tire d’érable au détour d’un boisé. J’avoue ne pas le faire moi-même chaque printemps. Les premières années après mon arrivée au Québec, alors que mes filles étaient encore petites, nous avons rejoignions volontiers des amis à la Petite École ou à Brazeau (attention, elle est fermée momentanément en 2022), afin de nous sucrer le bec. Depuis, mes visites à la cabane à sucre ont été plus rares. Cependant, nous avons la chance à Aylmer d’avoir un événement depuis plusieurs saisons qui nous permet d’en profiter, sans avoir à nous déplacer : « La Principale se sucre le bec », et c’est justement samedi 26 et dimanche 27 prochains. Au pire, vous pourriez vous commander un repas dans le cadre de l’initiative provinciale « Ma cabane à la maison » et vous le faire livrer ! L’Érablière St Germain et l’Érablière JB Caron sont participants. Contactez-les!
Mais on ne manquera pas de penser aux Ukrainiens qui, s’ils vivent sous la même latitude géographiquement, vivent un printemps horrible, sous les bombes russes. L’élan de sympathie envers eux s’explique en partie par notre proximité culturelle : occidentaux, européens, émigrants vers le Canada depuis un siècle, ils nous ressemblent. Toutefois, on peut rêver qu’un jour nous soyons capables de montrer autant d’empathie pour les immigrants africains qui, depuis des années, fuient également les horreurs de la guerre.