ÉDITORIAL
Canadien de Montréal : une question de survie
Au moment où j’écris ces lignes, nous venons d’apprendre que l’entraineur-chef du CH, Dominique Ducharme, a attrapé la Covid-19, malgré les deux doses de vaccin qu’il a reçues (la seconde datait de moins de dix jours). Les gouvernements et les hautes autorités de la Ligue nationale de hockey (des gens d’affaires) avaient décidé d’alléger le dispositif il y a quelques semaines, en autorisant les matchs sans quarantaine préalable. Il manquera les trois prochains matchs des demi-finales, alors que le club montréalais va jouer son troisième match des demi-finales à domicile contre les Knights. L’équipe de Las Vegas est une équipe construite de toutes pièces dans un désert sportif : peut-on sérieusement imaginer une culture du hockey sur glace en plein désert du Nevada ? L’équipe est à l’image de la ville qui abrite sa franchise : boursouflée par l’argent, totalement artificielle et déconnectée de la réalité socioculturelle de Las Vegas. Mais, bon, le sport c’est pas du business ?
Ceci dit, même moi, je vais regarder le match… un peu par réflexe, comme beaucoup d’entre nous, surtout quand les Canadiens font les séries ! On a l’impression de se reconnaitre dans cette équipe, non ? Le monde peut s’écrouler, mais le hockey continue. Ce sport, durant sa saison régulière et plus encore lors des séries, nous aide à survivre psychologiquement à la vie elle-même. Le moindre jeu, la moindre mise en échec musclée, le moindre but vont alors nourrir les conversations pendant des mois…
Les plus philosophes diront que le hockey est le symptôme de la société du divertissement (littéralement sortir de la voie), qui nous écarte du droit chemin… qui nous fait aussi oublier nos soucis. En temps de pandémie historique, qui n’en a pas besoin ? Tous ces sports professionnels, qui démarrèrent comme de simples jeux, et pour lesquels l’engouement est énorme aujourd’hui à l’échelle de la planète (soccer, rugby, basket-ball, etc.), sont maintenant soutenus par le marketing et de faramineuses sommes d’argent. Leur enjeu social, identitaire, collectif semble est incroyable ! Surtout au Québec : un certain nationalisme canadien-français s’y est installé au sortir de la Deuxième Guerre mondiale ; pensez aux héros nationaux Maurice Richard, Guy Lafleur ou Patrick Roy.
Cependant, pour la première fois en 100 ans, aucun joueur québécois ne se retrouve dans l’alignement du CH, alors qu’encore dans les années 1990, on en comptait encore quatorze joueurs. Il n’y en a plus que deux. Depuis belle lurette, les Canadians ne pensent plus en français, ne jouent plus en français, mais plutôt dans la langue internationale : celle de l’argent, de la finance et des franchises transnationales. Au fond, le Canadien de Montréal est une marque commerciale comme une autre. Même son hymne est en anglais. Les Habs sont des mercenaires apatrides, qui vont au plus offrant, congédient leur entraineur à la première baisse de régime ou contre-performance, comme la pire des multinationales.
Certes les grands médias jouent le jeu et feignent de croire au suspense, saison après saison ; et nous, public bon enfant, nous laissons convaincre que, oui, cette année sera différente, que nos héros de la glace montreront leur vrai style de Canadiens, en nous rendant fiers d’être Québécois, car nous en avons besoin. Spectacle vain et pitoyable d’une identité qui s’est noyée dans un sport professionnel totalement converti au globish.