ÉDITORIAL
Chaque musée qui brûle est une culture qui meurt
Récemment, une véritable catastrophe culturelle a eu lieu au Brésil : l’incendie du Musée national de Rio de Janeiro, le plus grand musée d’histoire naturelle d’Amérique latine! Plus de 20 millions d’artefacts d’une valeur inestimable et plus de 530 000 livres sont partis en fumée en une nuit. C’est énorme.
Certains seraient fatalistes : un accident peut toujours arriver. En théorie, c’est vrai. En pratique, tout gouvernement digne de ce nom devrait prendre en charge la sécurité d’un tel lieu, compte tenu de son importance pour un pays. Or, Sergio Leitao — ce n’est pas une blague —, le ministre brésilien de la Culture a lui-même admis que « la tragédie aurait pu être évitée ». Comment? Simplement, en prenant soin de l’édifice (un palais impérial du XIXe siècle) : en l’entretenant, en le rénovant, en injectant de l’argent dans son fonctionnement. C’est ce que l’UNESCO appelle la « préservation des biens culturels ».
Malgré les signaux d’alarme, plusieurs ont seulement mesuré l’ampleur du désastre en voyant l’auguste bâtiment en cendres. Ironiquement, excepté quelques objets, il ne reste qu’une énorme météorite de 5 tonnes, qui avait été placée devant le musée, et qui aurait pu le détruire à elle seule.
Bref, les Brésiliens étaient vraiment en colère; ils ont manifesté massivement dans les rues pour marquer leur indignation. Ils dénonçaient la négligence du gouvernement qui, depuis plusieurs années, avait coupé régulièrement dans les budgets de la culture, des sciences et de la recherche au nom de la rigueur budgétaire. « Une tragédie annoncée », voilà ce que pensaient tous ces gens.
Ailleurs qu’au Brésil, par exemple ici au Québec, en particulier à Aylmer, où en sommes-nous? Quelle importance ont donc ces lieux de culture, de patrimoine et d’identité que sont les musées, où l’on va volontiers quand nos enfants sont petits (c’est distrayant), mais très peu ou plus du tout quand ils sont plus grands, comme si nous n’en avions plus du tout besoin?
Ici, au Canada, la tendance existe : regardez le jugement récent de la Cour d’appel fédérale à qui interprète la Loi sur l’exportation/importation des biens culturels : les musées au pays ne pourraient plus avancer l’« importance nationale » pour acquérir des œuvres non canadiennes. Pourquoi des œuvres d’artistes d’autres continents ne seraient-elles pas importantes pour notre histoire collective? Finie la possibilité de recevoir de tels dons, il faudrait les acheter… mais sans augmentation de budgets culturels évidemment.
À Aylmer, nous avons un musée qui a survécu grâce à la bonne volonté de plusieurs bénévoles et au financement à géométrie variable de la mairie – qui en reste propriétaire — à ces quinze dernières années : le Musée de l’auberge Symmes. Il constitue l’un des joyaux de notre histoire locale; on passe devant, on le montre à nos amis et à notre famille en visite. Mais quand y êtes-vous allé pour la dernière fois? Saviez-vous qu’une nouvelle exposition temporaire y voit le jour chaque année, que son exposition permanente a été renouvelée récemment ou encore qu’il s’y fait des conférences fréquemment? La meilleure manière de montrer que nous tenons à nos musées est de les garder vivants, en les fréquentant régulièrement pour commencer. Alors, rendez-vous au 1, rue Front, samedi ou dimanche, entre 12 h et 17 h!