ÉDITORIAL
… Comme de l’an 40
Un petit coup de gueule? À mi-chemin vers les élections provinciales, alors que les libéraux règnent sans partage, il y a de quoi être en colère.
Non, je ne parle pas des gesticulations grotesques du ministre Barette dans l’affaire des transferts fédéraux en santé. Il a trouvé en Mme Philpott une adversaire redoutable, et notre négociateur intraitable s’est vu tout simplement imposer lesdits transferts. 1,5 milliard par an. Le budget québécois dans ce domaine en 2016-2017 : 33,7 milliards. Traduction : 1. C’est peu, nos impôts devront absorber la moitié de la hausse des dépenses en santé dans les années à venir 2. Le gouvernement de Justin Trudeau tient le gros bout du bâton, il a l’argent, peut-être un peu moins de bombage de torse avant d’engager la discussion la prochaine fois. La bonne nouvelle est que le fédéral oblige les libéraux du Québec à réinvestir en santé mentale et dans les soins à domicile.
Mais je m’égare! Désolé, je voulais parler du « plan de lutte contre les changements climatiques ». Vous remarquerez les guillemets. Tout se résume un peu à ça avec notre premier ministre libéral. De belles paroles. Sur la scène internationale, face à ses homologues canadiens, dans les tribunes au Québec, à l’image de grand-papa qui sait tout, les membres du gouvernement affichent le menton déterminé et le regard confiant des vainqueurs : « le Québec est en route vers la cible qu’il s’est fixée pour 2020 » (dixit l’attachée de presse de David Heurtel, ministre des industries polluantes).
En vérité, que se passe-t-il? Les études récentes sont claires. La diminution des gaz à effet de serre a été de 8 % par rapport à 1990 (objectif : 20 % en 2020; 37,5 % en 2030); entre 2013 et 2014, il y a même eu une hausse! Trois secteurs contribuent à cette trop faible tendance : industrie, chauffage et déchets. Et l’agriculture, et les transports? En hausse. Ce dernier représente 41 % des émissions à lui seul… Et soit dit en passant, l’industrie pèse encore plus de 30 %.
Contrairement à ce que clame notre premier ministre, le Québec fait du sur place. Les groupes écologistes et les experts sont tous d’accord : aucun changement majeur n’a eu lieu depuis des années. Faut-il rappeler qu’excepté la parenthèse péquiste de 2012-2014, peu convaincantes, nous avons les libéraux depuis… 2003!Y aurait-il une corrélation?
Que fait le gouvernement québécois exactement, à part ouvrir des cimenteries (à Port-Daniel), lancer des projets pétroliers (en Gaspésie), enlever le pouvoir aux organismes de contrôle environnement comme le BAPE? Il espère que l’UNESCO classera Anticosti au patrimoine mondial, il compte sur les entreprises les plus polluantes pour vendre leur surplus en carbone à d’autres, moins polluantes, il souhaite que les « mauvais élèves » canadiens, comme l’Alberta, continuent dans la même voie avec leur pétrole sale afin de mieux paraître. Bref, il fait semblant, et semble laisser à d’autres le sale boulot.
Pratiquer le principe pollueur-payeur? Subventionner véritablement l’achat de véhicules verts? Investir massivement dans l’installation de bornes électriques à l’échelle du Québec? Changer notre mentalité « moteur » (les 3 voitures, le skidoo, le bateau à moteur et la moto dans la même maison, ça suffit!)? Constituer un véritable fonds vert chargé de promouvoir l’agriculture durable? Difficile de prendre ces décisions quand notre seul horizon se trouve être à court terme, des élections aux quatre ans. Et ce n’est pas de l’aveuglement : notre premier ministre libéral possède bien la vision politique à long terme, ses discours le prouvent, mais il a plutôt choisi de regarder ses pieds.