ÉDITORIAL
Comment peut-on être Persan? (1)
Une des sagas estivales a consisté à nous demander si les habitants de St Apollinaire (6000 habitants, le double d’il y a vingt ans) étaient vraiment intolérants (sous-entendu : à l’image des autres québécois) et s’il était normal qu’ils aient refusé l’installation d’un cimetière musulman lors d’un référendum local de quartier organisé par la mairie en juillet. Cette affaire dure depuis l’hiver dernier, quand le maire Ouellet a présenté lors du conseil municipal le changement de zonage permettant ce projet privé.
Rappelons-nous que des propos désobligeants ont été proférés, associant l’arrivée de musulmans en plus grand nombre dans la petite commune à la présence d’extrémistes. Vrai aussi que suite à la publicisation de l’affaire, des affiches racistes ont fleuri à plusieurs endroits. Dans quelle mesure la corrélation entre les deux est-elle étroite? Il est surtout clair pour moi que cette affaire, qui a pris des proportions nationales, est le symptôme d’un véritable malaise de nos sociétés occidentales… Les gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas, comme d’habitude. L’islam en fait partie.
D’autant plus que la société québécoise, à l’image de beaucoup d’autres pays qui ont tourné le dos à la religion depuis des décennies – attention, je ne m’en désole pas du tout, soyons clairs - a, se faisant, également perdu tout intérêt dans la culture religieuse ou les spiritualités. Une manière de jeter le bébé avec l’eau du bain, vous voyez. Qui parmi nous, par curiosité, par ouverture d’esprit, a pris le temps de lire le Coran, par exemple?
À part que dans le même temps, l’Islam, surtout l’islam politique, a connu un grand développement, en particulier au Proche, au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. Et il est évident que par le jeu de la circulation des personnes, pour des raisons de travail, d’études, en tant que réfugiés ou immigrants, cet islam politique s’est diffusé. Par ailleurs, de nos jours, il constitue pour beaucoup une idéologie alternative à la mondialisation capitaliste matérialiste; une autre voie empruntée par bien des populations afin de se soustraire à la domination « bienfaisante » et bienpensante des anciennes grandes puissances coloniales auxquelles s’ajoutent les États-Unis ou la Chine.
Bref, les gens ont peur de ce mouvement de fonds; là réside un aspect du problème. L’ignorance des uns devient la malédiction des autres. À St Apollinaire comme ailleurs, sauf à Montréal peut-être qui connait plus de diversité culturelle et religieuse depuis plus longtemps et en plus grande quantité... et encore : pourquoi encore 18% des musulmans sont au chômage à Montréal – ville multiculturelle et soi-disant ouverte – et 11% à Québec, comparé aux 7% en moyenne dans la province?
Évidemment, on peut critiquer la méthode de consultation à St Apollinaire : seuls 49 citoyens ont été consultés, les plus proches voisins du site envisagé en fait. 36 ont voté. Et la décision s’est jouée à 3 voix près. Mais on accepte bien le fait que nos premiers ministres ne représentent que 35 ou 40 % des électeurs. Alors l’argument démocratique a bon dos. Une majorité – même relative – c’est une majorité. Ou bien changeons les règles. Non, le problème est ailleurs. Car, s’il y a bien une chose que nous avons en commun entre nous, humains, mais avec le reste de la nature, c’est que nous mourrons un jour, nous disparaitrons d’une manière ou d’une autre. Alors, quel est le problème de donner à un être humain une sépulture là où il a vécu ou là où il désire être inhumé, selon la méthode qu’il a choisie, sauf pour des raisons évidentes d’hygiène, de maladie, etc.? À suivre.