ÉDITORIAL
Comment peut-on être Persan ? (2)
La semaine dernière, je disais que la peur (de l’autre) nait souvent du manque de connaissance (sur l’autre). Par exemple, les musulmans… Saviez-vous qu’ils sont aujourd’hui seulement 300 000 ? Même pas 3% des Québécois, en nombre grandissant, il est vrai, depuis les années 1990, surtout en provenance du Maghreb, notamment de l’Algérie en guerre civile contre les islamistes à cette époque. Le Québec fut et est encore pour eux la version francophone de l’Eldorado canadien, terre d’accueil où sont plus faciles l’ascension sociale et le plein emploi.
90% de ces musulmans, aujourd’hui plus nombreux que les juifs, vivent dans la grande région de Montréal. Ce sont majoritairement des gens instruits, avec des diplômes universitaires (pour la moitié d’entre eux), une certaine élite intellectuelle donc. Seules les guerres de ces dernières années au Moyen-Orient et en Asie ont engendré une immigration moins éduquée. Ce qui explique que 60% ne se sont jamais rendus dans l’une des 70 mosquées du Québec. Ils sont de culture musulmane, croient peut-être, mais pratiquent peu. Est-ce grave? La religion ne ressort-elle pas de toute façon de la sphère privée? Pourquoi la lancerais-je au visage de mes voisins, qui n’en demandent pas tant? Si vous comprenez ce que je viens d’écrire, alors vous venez de saisir l’essence du concept de laïcité!
En tout cas, il me semble que la vraie question est plutôt : avoir des musulmans et des non-musulmans au même endroit serait-il un problème? Je croyais que tout le monde s’accordait de nos jours pour accepter la religion d’autrui dans le beau pays multiculturel et diversifié qu’est le Canada. C’est même offensant de prêcher la différence, qui devient pour le coup une hiérarchie, non?
En tout cas, essayons de comprendre : pour les musulmans, la tombe préserve la dignité, le corps est lavé, sa tête dirigée vers La Mecque, avant d’être enveloppé dans un linceul blanc. Des ablutions ont lieu selon un ordre précis. L’enterrement doit avoir lieu rapidement idéalement dans les 24 heures. De jour ou de nuit (les opinions varient), mais théoriquement à même la terre (sans cercueil), à 1,5 m de profondeur, selon les lois en vigueur dans le pays. Il est important que le défunt soit inhumé parmi ses coreligionnaires, sur le côté droit, le visage face à la Mecque. Seuls les hommes devraient suivre le cortège, les femmes pouvant venir après. Attention, nul ne dit qu’il est interdit de partager un cimetière avec une autre religion.
Pour terminer, il faut rappeler que cette demande de construction d’un cimetière émane du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ). Dans l’Islam, il n’y a pas de véritable hiérarchie (exceptés imams ou mollahs) ou de « gouvernement », avec un équivalent du pape. À cet égard, cela ressemblerait davantage au protestantisme, avec ses multiples traditions et interprétations. D’ailleurs, les musulmans ne s’entendent pas forcément au sujet de la demande à St Apollinaire. L’Association de la sépulture musulmane déplore le manque de souplesse du CCIQ, qui dès le départ a refusé de partager le cimetière local avec d’autres confessions. Parallèlement, vous conviendrez qu’il est totalement intolérable qu’on ne puisse être enterré là où on a vécu, là où on veut être enterré, à Montréal ou ailleurs. Les musulmans n’ont qu’un seul endroit au Québec où se faire enterrer! Hallucinant. Mais finalement, pourquoi des cimetières confessionnels? Ne serait-il pas plus simple que le gouvernement provincial statue à ce sujet en demandant un peu d’ouverture d’esprit à tous? Que les cimetières soient pour tous, publics (payés avec nos impôts) et consacrons dans chaque cimetière un « carré » à chaque religion.