ÉDITORIAL
Croissance (des déchets) zéro
C’est l’été. Les journées sont (souvent) belles. Le cadre est idyllique à Aylmer. Le ciel est bleu, l’eau du lac est bleue… Mais cela ne signifie pas que l’on peut s’y baigner, bien au contraire. Mais l’on n’a pas envie de parler de ce genre de sujet : cela nous rappelle trop l’odeur putride de nos poubelles domestiques par temps de grosse chaleur. Disons-le, le sujet est malodorant. Il est pourtant au cœur de notre fonctionnement, en tant qu’individu autant que collectif.
Pensez à la fermeture de la plage de la Marina d’Aylmer, à la réduction à 120 litres par foyer du volume autorisé d’ordures ménagères hebdomadaires, à l’arrêt de la prise en charge du compost par la ville, de la problématique des fameux « encombrants » non réutilisables (pour lesquels il faut payer 50 $ à la ville si l’on veut s’en débarrasser) ou à la raréfaction des sacs plastiques dans les commerces (à moins d’accepter de les payer)… Et vous y êtes!
L’eau est à cet égard emblématique. Vivants dans un pays d’eau (douce et potable en général), les Canadiens l’utilisent à tort et à travers (piscines, nettoyage des voitures, rejets divers dans les cours d’eau). Comportement irresponsable. Parallèlement, des citoyens aidés d’une représentante locale – la courageuse Audrey Bureau qui en a avalé quelques goulées lors de sa traversée de 4 km — ont lancé récemment une pétition afin que l’eau de l’Outaouais soit contrôlée quotidiennement; nous avons effectivement le droit de savoir dans quelle eau nous mettons les pieds (et le reste). Cela sans attendre les interdictions qui rythment chaque année notre été…
Ceci étant dit, sommes-nous prêts à réduire le volume de nos déchets? Encore faudrait-il savoir comment… Sinon, les « citoyens » risquent d’aller les jeter de manière sauvage, comme l’ont fait remarquer plusieurs. S’il y a une amende de 200 $, beaucoup appliquent la règle « Pas vu, pas pris »… Pourquoi ne pas l’augmenter à 500 $? Mais assez de répression, quid des incitations ou des alternatives? Les optimistes rappelleront en effet que désormais la plupart des gens mettent aujourd’hui leurs déchets dans des sacs à cet effet; or, ce n’était pas le cas il y a 20 ans.
Mon avis est partagé quant à l’emploi de la « carotte » et du « bâton » : bien informée, une personne comprend mieux la nécessité de changer ses habitudes; les mentalités peuvent changer… lentement. Cependant, ce n’est pas toujours suffisant, et à l’incitation il est réaliste de joindre la sanction en cas de comportements non citoyens. Réfléchissons plutôt à notre mode de vie : après tout, le système nous pousse à consommer, c’est-à-dire à acheter, utiliser et à jeter, sans trop nous soucier de cette empreinte que laisse notre acte de production/consommation sur notre environnement. Le fond du problème n’est-il pas là simplement? Pourquoi vouloir toujours plus (plus de bouffe, plus de véhicules, de pièces dans notre maison, etc.)?
Contentons-nous de ce que nous avons. Responsabilisons-nous progressivement. Pensons plutôt l’utilisation de tous ces moyens matériels qui nous servent à (mieux) vivre comme faisant partie d’un cycle naturel. Personne n’a envie de s’entendre dire qu’il vit sur une poubelle. Le véritable problème ici n’est pas la gestion des déchets, mais bel et bien le mode vie que nous tentons vainement de perpétuer.