ÉDITORIAL
Cultivons nos ressemblances!
Trop souvent, nous mettons de l’avant nos différences. Réflexe naturel de notre subconscient se demandant sans cesse : qui suis-je? « Pas lui, en tout cas », répond-on souvent en croisant un autre être humain. En même temps, c’est un peu grâce aux autres que nous nous déterminons, non? Et ultimement, lorsque la raison vacille, l’Autre est le garde-fou de la normalité.
En revanche, remarquez combien nos « différences » semblent gâcher nos relations sociales. L’appropriation culturelle, le port de symboles religieux ostentatoires, la domination des hommes sur les femmes, la xénophobie, l’homophobie, l’islamophobie, les querelles de voisin, les disputes partisanes, les guerres pour quelques arpents de terre, les guerres religieuses, mondiales… Cet Autre est simultanément celui auquel on ne veut pas ressembler – nous voulons rester nous-mêmes… ou bien, nous ressemble-t-il trop? On en fait alors la victime à sacrifier, comme bouc émissaire.
La vérité est qu’au plus profond, depuis toujours, nous avons peur d’autrui, cet inconnu imprévisible. Aujourd’hui toutefois, nous avons des lois pour policer nos rapports sociaux. Car nous avons besoin des autres pour nous pacifier; on ne peut pas s’entretuer tout le temps non plus ! Ce sont nos différences qui nous séparent justement; et on voudrait les encourager, augmentant ainsi l’espace qui nous sépare ? Et si au lieu d’une journée contre l’islamophobie, nous organisions une journée pour l’ouverture interculturelle ou pour la paix entre les peuples? Et si nous parlions plutôt de nos points communs?
Maslow et sa fameuse pyramide peuvent nous y aider. D’abord, les besoins physiologiques : respirer, avoir faim ou soif, procréer, dormir ou éliminer; bon, nous les avons aussi en commun avec les animaux… Un peu moins évident, les besoins de sécurité : un environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise. Rappelez-vous la détresse des victimes des tornades en septembre dernier; comment dès lors ne pas comprendre les immigrants et les réfugiés? Une strate au-dessus : le besoin d’appartenance et d’amour. Que ne ferions-nous pas pour un peu d’attention et d’affection ? Il suffit de regarder la plupart des télé-réalités comme OD. Des scientifiques européens du XIXe ont placé des orphelins à l’isolement complet pour examiner leur évolution. Résultat : ils sont tous devenus fous et/ou se sont suicidés. Toujours plus haut : les besoins d’estime (confiance, respect, reconnaissance, appréciation) qui passent obligatoirement par la relation avec autrui. Ici, pensez à toutes les bisbilles culturelles ou sociales qui naissent du sentiment d’être différent, pas apprécié à sa juste valeur, du fait de la religion, de l’origine, du genre, de l’orientation sexuelle, ou juste de nos valeurs ou préférences… Et enfin, au sommet de la pyramide, le besoin d’accomplissement de soi. Dans notre société individualiste et gouvernée par la compétition (ou la concurrence, merci au libéralisme), ce besoin est sans cesse évalué par rapport à notre prochain. Dois-je énumérer toutes les émissions, de cuisine, de sport, de danse, musique, chant, etc. où les individus sont en compétition ?
Vous le savez, au fond, cet Autre n’est pas l’étranger qu’on croit. Plutôt que céder à la peur en attaquant, éduquons-nous pour mieux le connaître et le comprendre; entendons-nous et faisons des lois sur ce que nous avons en commun. Réhabilitons nos droits collectifs et laissons nos différences et opinions (politiques ou religieuses) pour la sphère privée. Faisons le pari de la confiance.