ÉDITORIAL
De l’ambition
Vous savez, les banques, les maisons d’assurance et les financiers de ce monde anticipent les évènements bien avant nous. C’est leur métier de gérer le risque… et de faire de l’argent avec. Pendant qu’ils empochent notre argent, ils ont déjà un œil sur l’avenir. Ils voient grand, eux ; ils ont de l’ambition… pour le rendement de leurs portefeuilles, comme on dit dans le jargon.
Je jubile chaque semaine à la lecture des articles économiques dans les journaux. Cette novlangue, qui nous enfume et nous fait sentir idiot devant nos conseillers financiers, est d’une richesse inouïe pour dire les choses les plus simples. Il faudrait avoir la traduction simultanée pour comprendre ce galimatias qui confère automatiquement à ceux qui l’utilisent le statut de grands professionnels. Par exemple, on ne parlera pas de crise climatique, mais de « dérive » climatique. Et devinez quoi ? On nous apprend que c’est devenu une « donnée structurelle », « sous forme d’actifs échoués en finance, d’externalités négatives […] avec en tête l’énergie fossile devenant réductrice du PIB potentiel ». Génial, non ? En gros, il faut comprendre que les changements climatiques (réchauffement des océans, inondations, sécheresses, tempêtes/cyclones, etc.) vont nous coûter très cher et freiner notre enrichissement !
Déjà en 2015, des banques, telles la Deutsche Bank ou HSBC « s’inspiraient de la filière fossile pour soulever le risque de ne pas actualiser le passif environnemental », bref, elles entraient dans leurs formules la pollution, les pandémies comme la CoVid-19 (dues à la dégradation des écosystèmes) et d’autres inconvénients du dérèglement climatique. D’ailleurs Les banques centrales considèrent aujourd’hui ce dernier comme un « risque systémique ». À l’instar des Nations unies, du GIEC et des manifestant pour le climat, elles ont compris que l’on se dirigeait davantage vers un 3 degrés et plus d’augmentation, plutôt que vers le symbolique 2 degrés, dit du basculement (sans retour possible), que tous les pays du monde avaient choisi pour objectif à Paris.
Pendant ce temps, on bavarde gentiment autour d’une coupe de champagne (c’est une image, puisqu’en fin de semaine dernière le « Sommet de 2020 sur l’ambition climatique » a réuni nos grands dirigeants mondiaux, mais virtuellement). Et d’ambitions, ils n’en manquent pas, pour célébrer les cinq ans des Accords de Paris. Un exemple au hasard : notre premier ministre libéral. Il dit vouloir dépasser les cibles établies à Paris, lui, qui n’a pas planté (ou presque) un seul arbre en une mandat et demi et dont les seules mesures fortes consistent à perpétuer une prime pour l’achat d’un véhicule électrique, créer un fonds de recherche appliquée sur les technologies vertes, refaire l’isolation des bâtiments fédéraux et instaurer une bourse du carbone.
Tiens, parlons-en de la bourse du carbone. Détrompez-moi, mais en gros, elle permet à un pollueur de continue de polluer, à condition de payer une certaine somme par tonne de CO2 émis, jusqu’à 170 $ en 2030 ! Largement insuffisant s’accordent pour dire tous les experts, même si cela rapportait quelques milliards de dollars. Et cela n’empêchera pas la pollution ! Trudeau peut se gausser des autres « partis avec des propositions moins ambitieuses », c’est du blabla, puisque 1) il oublie le Parti vert 2) il n’a simplement pas livré la marchandise. Il promet la carotte et le bâton… N’est-ce pas en effet deux mots qui résument la vision limitée et la seule ambition du conducteur d’un âne ?
Note : Réponse de l'éditorialiste
Merci à M.Fergus de défendre son point de vue avec nuance. Je ne doute ni de sa bonne foi ni de sa francophilie. Je reste tout de même songeur sur le lien plus ou moins conscient qu'il établit entre la victoire de la démocratie aux États-unis, il y a quelques semaines et la défaite de l'aspiration hautement démocratique que furent les deux référendums au Québec, il y a 40 ans et 25 ans respectivement. Et je ne relancerai pas le débat sur les moyens peu démocratiques utilisés par le camp du non à l'époque... C'est pour moi de toute façon un débat du passé, compte tenu des crises que l'on vit aujourd'hui.