ÉDITORIAL
De quoi sommes-nous (vraiment) malades?
Je dois avouer que je suis surpris : j’ai un peu confondu la bénignité du Coronavirus (CoVid-19) et sa (grande) viralité. Avec l’expansion probable du virus en Europe, compte tenu de la libre-circulation des personnes depuis l’Accord de Schengen en vigueur depuis 1995, avec un nombre grandissant de nations concernées dans le monde — plus de 40 à ce jour — et le premier cas au Québec, je suis tout de même interloqué.
Je me raisonne cependant. Je sais qu’il ne s’agit au fond que d’une affection qui peut provoquer fièvre et difficultés respiratoires, comme la toux, surtout dangereuse pour les « individus à risque » (très jeunes enfants, personnes âgées et/ou déjà victimes d’affections respiratoires). Même les bébés dont la mère l’aurait attrapée semblent y échapper…
Donc, surtout pas de panique ! Et ce pour plusieurs raisons : CoVid-19 n’équivaut pas à la grippe espagnole. Autrement plus virulente, cette épidémie avait touché en deux ans (1918-1920) une personne sur trois dans le monde, faisant des dizaines de millions de morts, environ 1 à 3 % des gens infectés. À ce jour pour CoVid-19, cinquante malades, pour un taux de mortalité de 2 %. Et sa période d’incubation est de sept jours en moyenne (entre deux et douze jours en fait), d’où la « quatorzaine ». Certains traitements (pas des vaccins) fonctionnent déjà bien, notamment ceux utilisés contre le paludisme. Enfin, les masques ne fonctionnent que si vous êtes vous-même porteur. Passé trois jours, le virus meurt s’il reste sur une surface inhospitalière comme un étal de légumes.
La grippe saisonnière a affecté 20 000 personnes depuis le 1er novembre au Canada, selon Santé Canada, dont 3 500 en sont décédées! Malgré les vaccins, elle reste parmi les dix principales causes de décès au pays. On se souvient du SRAS en 2003, qui avait tué un peu moins de 10 % des cas déclarés, soit quarante au Canada. L’influenza, elle, est fatale pour 4 à 7 % de la patientèle hospitalisée plus de 24 h. Il est vrai qu’en ce qui concerne le CoVid-19, on le découvre à peine, il n’y a pas encore de vaccin, il s’installe dans notre paysage. Ajoutez-y l’effet déformant qu’est le prisme médiatique et le fameux principe de précaution qui s’est généralisé ces dernières années, et vous avez un cocktail parfait pour une psychose collective.
J’ai assisté il y a quelques semaines — n’est-ce que le début ? – à des comportements de rejet tout à fait intolérables, sous prétexte que certaines personnes étaient d’origine asiatique. Pour moi, il est problématique de s’écarter de son voisin de table, parce qu’il ou elle est asiatique, ou de demander à son collègue s’il est chinois. Mettez-vous à la place de ces personnes… Pourquoi pas une étoile jaune sur les vêtements ?
La véritable maladie est en nous, et elle est profonde. Elle porte plusieurs noms : intolérance, xénophobie, racisme, communautarisme, mais ne nous trompons pas, elle repose sur une seule chose, une seule émotion, viscérale, reptilienne. La peur. Et même si l’on trouvera les meilleures raisons de fermer nos frontières et nos maisons aux « autres » - ceux-là qui constituent potentiellement un danger - il n’en restera pas moins que ce sera une réaction irrationnelle. La peur de mourir, la peur que nos proches disparaissent. Ce recroquevillement est la négation d’un humanisme moderne.