ÉDITORIAL
Des femmes en clair-obscur
Aujourd’hui, je crois urgent de parler de la plus forte « minorité » qu’on puisse trouver dans nos sociétés modernes, soi-disant évoluées. Les femmes. Mais elles ne sont pas minoritaires, rétorquerez-vous. En effet, il y a environ 18 millions de femmes pour 17 millions d’hommes au Canada. Pourtant, comme une juste représentation, plus proportionnelle, semble loin! Il y a quelques mois, j’avais consacré un éditorial à leur sous-représentation dans notre société. Je pourrais vous resservir des statistiques déplorables et inchangées concernant leur place dans les domaines décisionnels (politique, économie et affaires, armée, etc.) ou à des postes de prestige (présidence, secrétariat général, direction…). Je ne le ferais pas. D’autres signes des temps semblent encore plus alarmants, comme si la résistance augmentait avec leur influence grandissante. Le fameux plafond de verre, mais version blindée cette fois-ci.
Bon, j’avoue n’être qu’un homme, maladroit, qui vous connait mal, mesdames, qui manque de subtilité et de sens de la psychologie parfois, par exemple comme coach de rugby féminin, que certaines trouveraient même un peu macho (ah! Ces Français!), donc mal placé pour vous défendre. Cependant, pourquoi faudrait-il être une femme pour parler des femmes ou prôner un retour de balancier en leur faveur?
Récemment, les agressions en Allemagne ont remis en lumière la fragilité de la situation de nos filles, épouses ou sœurs, qui hésiteront plus que jamais à sortir seules le soir, après de tels évènements. Avec la droitisation de la scène politique, on voit refleurir les partis de droite ultraconservateurs, chez qui le rôle de la femme est traditionnellement et avant tout celui de l’épouse docile et au service de son mari et de sa progéniture. On assiste ainsi en Europe, comme en Amérique du Nord, à la montée en puissance de politiciens tels que Donald Trump, clairement sexiste et misogyne. Possiblement le prochain président de la plus grande démocratie au monde! Sans parler du mépris affiché de la dignité des femmes par les fondamentalistes de tous poils, qui devient la norme dans les régions sous leur coupe et que, sous couvert de respect des religions, certains seraient prêts à accepter dans nos pays. Ici, l’égalité des sexes reste heureusement une valeur majeure, un principe inscrit dans la loi. Du moins sur le papier.
Justement, plus près de chez nous, pensons à cette journaliste insultée devant une caméra à Toronto; à la mode des drogues injustement appelées « du viol », mais dont l’utilisation est reliée aux relations non consensuelles entre un garçon et une fille; à l’hypersexualisation des pu-licités, de la mode; à l’indifférence institutionnelle à propos de la violence subie par les femmes autochtones depuis longtemps; au procès de Jian Ghomeshi; à celui de Marcel Aubut… Il est certain que voir ces tristes sires dans un tribunal, devant un juge, est une avancée : maintenant, leurs agissements sont publics, et ils ne seront plus tolérés.
Cependant, et bizarrement, j’ai la conviction intime du contraire. Hier encore sur Facebook, un message alarmant circulait : un groupe de garçons prévoyait une opération de viols collectifs dans plusieurs villes au pays. Le message invitait les filles à consulter la liste des endroits pour les éviter. Info ou intox? Légende urbaine? Expression de la psychose ambiante? Même si cela ne s’avérait pas, c’est extrêmement préoccupant et ressemble fort à un recul de la condition féminine. À l’heure où des gens comme le blogueur Roosh V et ses milliers de sympathisants de par le monde peuvent publiquement et sans restriction prôner le viol collectif, s’il est commis dans une propriété privée, restons proactifs et vigilants : l’obscurantisme n’est jamais loin.