En direct du pays des baleines
Août 2016 : des noires!
Tu l’attendais cette chronique « en direct », je le sais, des nouvelles de la Côte-Nord, c’est rafraîchissant en pleine canicule. J’ai un nouveau portable qui me permet plusieurs heures sans alimentation électrique. J’en profite donc pour écrire bien installée à la table de pique-nique sur mon site au Paradis Marin, 21 h 32. J’écris dans le noir du soir, un p’tit croissant de lune « kékpart » dans mon dos et des millions d’étoiles dans le ciel. J’écris dans un silence où seule la nature se fait entendre. Pas la nature de chez nous en Outaouais, la nature du bord du fleuve, Côte-Nord, Grandes Bergeronnes… vraiment, majestueuse. Le « spécial » de la semaine (ou de la décennie!), du presque jamais vu à cette hauteur dans le fleuve : deux baleines noires, aussi appelées baleines franches ou baleines de Biscaye.
Je te raconte : devant moi, dans l’obscurité, le fleuve, je l’entends respirer et je le respire. Je vois des lumières de l’autre côté, c’est Trois-Pistoles, plus à gauche, c’est le Bic. Pas de vent ni de brouillard ce soir, le fleuve est calme, une « mer d’huile », comme on dit. Autres lumières, celles-ci défilent lentement, c’est un navire de commerce qui se dirige vers Québec ou Montréal, j’imagine – aux commandes, un pilote du Saint-Laurent, ça c’est certain. Les navires étrangers de plus de 115 pieds ou canadiens de plus de 210 pieds, à partir exactement d’ici, doivent faire appel aux services d’un pilote du Saint-Laurent, ça nous fait comme un « p’tit v’lours », j’sais pas pourquoi mais c’est comme ça. Dans une vingtaine de minutes, on entendra fracasser sur le rocher les vagues qu’il aura générées. « Pouff », et « pouff » encore… souffles de petits rorquals. La bouffe leur semble bonne cette année, ils font des pirouettes d’alimentation à tous les jours, au grand bonheur de tous. Ici, tout l’monde est là pour les baleines.
Cette année est une « bonne année ». Dès mon arrivée, en 48 heures j’ai vu des p’tits rorquals, des marsouins, une baleine à bosse qui est restée là devant nous pendant des heures à montrer la queue aux 13 minutes, deux rorquals communs, puis une autre baleine à bosse qui est sortie de l’eau en surprise comme une fusée – droit dans les airs avec un de ces fracas quand elle s’est laissée retomber! C’était le veau de Fleuret, un baleineau d’un an et demi qui fait plein de pirouettes tout en explorant l’estuaire.
Wow! Deux étoiles filantes filant longtemps, d’un bord à l’autre du ciel. C’est la période des Perséïdes, le ciel fut en vedette la nuit du 11 au 12. En arrivant au Paradis Marin, la semaine dernière, à la barrière où je couche toujours dans mon auto le premier soir, c’est ce qui m’a frappée et que je semblais avoir oublié : le CIEL ÉTOILÉ de millions d’étoiles, une voie lactée qui porte bien son non. Mosusse! la ville, chez nous… on a des lumières partout, on voit une étoile par ci par là, la voie lactée, on oublie ça; il faut se protéger de tout, des voleurs, des « chépastropquoi » ou de « kuk chosebine » qui t’espionnent, il faut verrouiller nos portes (la porte de ma tente n’est pas verrouillée!). Moi, j’opterais pour qu’on coupe l’électricité 4 heures par semaine en ville. Imagine… le silence, pendant 4 heures… pas de bruit de frigo, pas de bruits de pompes de piscines, de spas, pas de bruits de climatiseurs (surtout ceux qui ne tournent pas rond!).
Qu’est-ce qui m’arrive? J’avais quitté le paradis… oh là là, c’est tellement facile de quitter l’instant présent et de se transporter à hier ou à demain ou à un autre jour qui n’existe même pas. Inspire, expire, je reviens, j’entends à nouveau « pouff, pouff, pouff et ptchou ptchou » (ça ce sont des phoques). Mais bon, tant qu’à être un peu entre les deux (instant présent et instant d’après), je me rappelle qu’il se fait tard et que je ne veux rien manquer du spectacle demain. Aujourd’hui, les baleines noires étaient à l’Île aux pommes, demain on les verra peut-être ici. Et si on est chanceux, on apercevra le groupe de bélugas qui semble avoir adopté un narval (surnommé « licorne de mer » qui vit normalement dans les eaux arctiques du Canada, du Groenland, de la Norvège et de la Russie). Ils se baladaient ensemble à Trois-Pistoles il y a quelques jours; le narval semble même avoir emprunté le comportement des bélugas.
Carolle Bertrand est native d’Aylmer – chanteuse/musicienne, artiste visuelle, chroniqueuse. Pour en savoir plus et pour lire les chroniques précédentes, visitez son espace sur le Web http://carollebertrand.canalblog.com. Carolle.Bertrand@gmail.com