ÉDITORIAL
Et la Terre, alors?
Vendredi soir dernier à 9h38 précise, je m’exclamai : « Mince! Je l’ai manqué! ». Je venais de rater sur TV5 Monde le documentaire Demain (https://www.demain-lefilm.com), une ode à l’intelligence et à l’initiative humaines pour préserver notre environnement. Simultanément, je me rendis compte que cette 47e année Journée de la Terre était sur le point de se dérouler autour de moi dans la quasi-indifférence générale. Les frasques verbales de Trump, la proximité des élections présidentielles en France et les matchs des séries éliminatoires de la LNH revêtant une tout autre importance dans notre actualité. Pauvres de nous!
Alors, voilà, je ne peux m’empêcher de partager avec vous une fois de plus mes impressions à ce propos. Par exemple, il est un peu étonnant que nous en soyons rendus à croire que les changements climatiques et le réchauffement de la planète, nos problèmes de pollution, autant atmosphérique que souterraine ou maritime, dépendent surtout de nous. Je veux dire « nous » en tant qu’individus, consommateurs qui achetons, citoyen qui votons. La société individualiste ambiante a déteint sur nous : ce serait de notre ressort principalement. Notez bien que je ne dis pas que c’est entièrement faux, mais le fait est que les plus gros pollueurs restent les industries; les organismes qui peuvent les encadrer, les gouvernements. Donc, si je conviens que ces entités sont constituées d’individus, il faut admettre que c’est en tant qu’entreprise ou état qu’elles prennent leur décision. Chacun de nous changerait son comportement que ce ne serait pas suffisant… Les inégalités subsisteraient et la dévastation de notre environnement continuerait.
De plus, en réduisant notre engagement à un choix de consommateur (faire son compost, acheter une voiture hybride ou une Tesla, de la lessive bio, des produits locaux, faire des placements financiers responsables, etc.), nous en oublions que le problème est avant tout politique. Je parle bien de la « vie de la cité », des choix de nos décideurs, de l’orientation de notre société tout entière, pas juste de leurs belles paroles. D’ailleurs à entendre nos premiers ministres, qu’il s’agisse de Trudeau ou Couillard, le Canada et le Québec seraient à la fine pointe de la lutte écologique…
Qui vient d’autoriser le projet de terminal méthanier Pacific North West LNG, qui sera le plus important émetteur de gaz à effet de serre au Canada? Qui a relancé la cimenterie de Port-Daniel, fait passer une loi qui exonère les entreprises minières, autant d’initiatives qui pourraient à elles seules annuler les réductions nettes de GES du Québec entre 2011 et 2013?
Le fait que nos gouvernements ne se donnent ni le budget ni l’organisation nécessaire à un changement de politique environnementale. Le Canada a réduit ses émissions de 2,2 % en 10 ans, il va devoir continuer à raison de 30 % dans les 13 prochaines années! Les provinces continuent de subventionner la production de pétrole à des hauteurs invraisemblables (plus de 1 milliard de dollars pour l’Alberta), autant d’argent qui ne fait que repousser le moment où il faudra abandonner les énergies fossiles pour se tourner résolument vers les énergies renouvelables. Il est plus facile de renvoyer le problème à une question de morale individuelle. Et j’admets que ça fait du bien de se dire que l’on fait notre part, qu’ainsi nous cultivons notre humanité. Agissons, battons-nous comme des « écoguerriers » (Capitaine Paul Watson, cofondateur de Greenpeace), pour et avec nos communautés locales d’abord, puis à l’échelle provinciale et fédérale ensuite. Comme l’indique le titre du livre de Normand Mousseau, il s’agit bel et bien de « gagner la guerre du climat ».