ÉDITORIAL
Et puis quoi, qu’importe la culture? (Pierre Desproges)
On ne laisse jamais assez de place à la culture. Bien qu’elle se définisse comme l’« ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe » (Dictionnaire Larousse), lorsque je dis culture, je pense en particulier aux arts.
Or, on le sait, il n’y a pas d’argent, enfin pas pour nous, les...Éducation, justice, santé, transport, tout le monde en prend pour son grade. Pourquoi? Parce que vous, moi, nous vivons tous à crédit; nous sommes vilains à vouloir dépenser plus que ce qu’on a. On nous l’a assez répété. Alors, où couper? Partout, et en premier lieu dans ce qui est inutile, ou supposé tel. Ainsi, certains pensent que la culture est un ensemble de connaissances plutôt inutiles d’un point de vue pratique ou d’activités peu productives, sur le plan de la richesse nationale. En effet, une activité culturelle ne crée pas un produit ou un service qui répond à un besoin primaire ni secondaire… Mais à bien y réfléchir, ne répond-elle pas une nécessité essentielle pour toute civilisation éclairée? La culture n’est pas seulement une accumulation de connaissances, elle a aussi une finalité : le développement de l’esprit critique, qui lui-même conditionne l’éthique fondamentale sur laquelle on bâtit une civilisation, variable selon les sociétés et les époques, mais inévitable, comme je l’ai dit.
Mais on ne nous le dira pas. Le gouvernement préfère organiser une série de consultations publiques sur le renouvellement de la politique culturelle du Québec. 17 villes, 17 étapes, 3 mois, autant de temps avant de faire un bilan, qui conduira à un rapport, qui amènera peut-être à de nouvelles orientations. Croyez-vous que cela arrivera avant les prochaines élections? Au rugby, on appelle cela botter en touche.
À combien de sorties culturelles vos enfants ont-ils participé cette année? Quel est le budget alloué à un musée comme le Musée de la civilisation à Québec? Et pour les radios et télés publiques qui se voient aujourd’hui forcées d’avoir plus de publicités que leurs homologues privées afin de préserver leurs programmes? Là-dessus, vous me rétorquerez que la majeure partie des télécommunications et de la radio diffusion ne sont pas de compétence provinciale. Oui, sauf que le fédéral, va non seulement reprendre les investissements dans le réseau culturel, mais en plus est ouvert à ce que Québec montre son implication, puisqu’il vient de lancer une analyse des balises d’intervention dans le contexte de révolution numérique. Ne serait-ce pas le moment de montrer réellement combien la culture est importante pour les Québécois?
Plus largement, au niveau international les évolutions sont intéressantes à observer. Non pas l’homogénéisation (la mondialisation) en la matière, quoique… mais plutôt une certaine conception de la culture qui transparait dans les accords de libre-échange. Le plus récent qui nous concerne est l’Accord de partenariat transpacifique (PTP).
À l’instar de tous les accords de libre-échange, le principe est de faire tomber les barrières (économiques, douanières, légales…), et cela dans tous les domaines, de donner aux entreprises les coudées franches pour accéder à tous les marchés, à tous les produits ou services, desquels font évidemment partie la culture et les arts, selon la pensée néo-libérale. Cela revient à laisser nos artistes entre les mains des spéculateurs et des investisseurs de tous poils, et à considérer une œuvre d’art comme une boite de conserve! Drôle d’approche si on rappelle que, à l’instar de Louis XIV, le fameux Roi-Soleil du XVIIe siècle, un état qui dote son pays d’une culture forte s’assure également d’un rayonnement et d’une influence politique considérable. Alors, tirerons-nous un jour les leçons de l’histoire?