LETTRE
Et qui défend la prévention de notre système de santé?
Avec l’abolition récente du poste de Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), le Québec a perdu le défenseur de la prévention en santé. Le CSBE avait comme mandat d’évaluer différentes facettes de notre système de santé et ce, de manière indépendante. Il analysait un ensemble de données scientifiques d’ici et d’ailleurs pour les mettre à profit par des recommandations concrètes. Son but ultime? Faire avancer notre système de soins dans la bonne direction, mais surtout, améliorer la santé de la population du Québec. Et le CSBE avait bien compris que pour atteindre cet objectif, il devait absolument mettre la prévention au cœur de ses recommandations. N’avait-il pas raison de penser que l’accès aux soins s’améliorerait de manière plus durable en diminuant le nombre de personnes malades, au lieu d’investir toujours plus dans le traitement des maladies?
Ainsi, dans son rapport de 2010 qui portait sur les maladies chroniques, le CSBE recommandait de miser sur des politiques et des environnements facilitant l’adoption de meilleures habitudes de vie. Il s’agissait là d’une véritable perspective de santé publique, dont la stratégie est de développer des conditions favorables à un mode de vie plus sain, en accompagnant les gens dans leurs choix. Plutôt que de seulement mener des campagnes de sensibilisation, la santé publique travaille par exemple à améliorer l’alimentation dans les écoles, à encourager la construction de pistes cyclables plus sécuritaires ou à financer des marchés locaux de fruits et légumes.
En 2011, le CSBE publiait son rapport « Pour une vision à long terme en périnatalité et en petite enfance. » Encore une fois, la prévention était à l’avant-plan dans les recommandations du Commissaire, qui avait saisi qu’investir tôt pour améliorer la santé et le développement des enfants bénéficierait à toute la société. Le mot « prévention » revient d’ailleurs 197 fois dans ce rapport ! Le CSBE savait pertinemment que de meilleurs services préventifsgénèreraient des économies pouvant être réinvestis dans les soins curatifs.
Enfin, dans son rapport 2012 portant sur la santé mentale, le CSBE réitérait l’importance d’agir en amont pour diminuer par exemple le fardeau de la dépression, principale cause de morbidité dans le monde d’ici 2030. Une des principales recommandations de ce rapport était d’investir davantage en promotion de la santé mentale et en prévention des troubles mentaux en ciblant plus spécifiquement les enfants et les jeunes.
Selon le CSBE, plus de prévention permettrait non seulement de diminuer les premiers épisodes de troubles mentaux, les rechutes et les suicides, mais limiterait en plus les impacts sur la qualité de vie des personnes atteintes.
Après les coupures budgétaires massives dans les Directions de santé publique (DSP), à l’Institut national de santé publique (INSPQ), dans les CPE ainsi que dans les organismes communautaires, la prévention au Québec subit un autre coup dur avec l’abolition du poste du CSBE. Mais qui donc défend la prévention en santé dans notre société? À l’heure actuelle, trop peu de gens. Il serait grand temps d’avoir une prise de conscience collective et de demander l’augmentation de la part du budget de la santé dédiée à la prévention de 2% à 5%, tel que recommandé par plusieurs experts de santé publique. Parce que ces investissements rapportent gros, tant pour la santé de la population actuelle que celle des générations futures. Et ça, le CSBE était un de ceux qui nous le rappelaient.
Dr Catherine Dea, le groupe Jeunes médecins pour la santé publique (JMPSP)
Montréal