ÉDITORIAL
Faisons clairement le choix de l’antiracisme
Difficile de ne pas se sentir
enthousiasmé-e : une femme d’origine indienne et jamaïcaine pourrait
devenir vice-présidente des États-Unis dans trois mois, et possiblement
présidente au mandat suivant… Serait-ce possible chez nous ? On peut arguer que
le contexte politique actuel, mais aussi la structure sociale sont très
différents ici et là-bas. C’est vrai. Cependant, notre population est également
diversifiée et il faut avouer que nous ne sommes pas nécessairement très bien
placés quant à l’intégration des communautés.
Outre les nombreuses micro-agressions que peut
subir une personne noire dans notre société, le fameux « racisme systématique »
réside surtout dans la condition de l’emploi. La situation socio-économique des
noirs canadiens reste problématique. Les chiffres de Statistique Canada sont
limpides. Selon le recensement de 2016, le taux d’emploi d’hommes noirs est de
5 % inférieur à celui des autres hommes (78 % vs 83 %), immigrants
ou pas. Il en est de même pour les femmes. Pour ce qui est de la rémunération,
l’écart est plus marqué encore : les travailleurs entre 25 et 59 ans
gagnent 15 000 $ de moins ; leur médiane est de 41 000 $ (vs
56 000 $ pour les autres hommes). Étonnamment, chez les femmes, les
rémunérations sont quasi-équivalentes.
Par ailleurs, on peut noter que la population
noire est plus susceptible d’être surqualifiée, deux fois plus qu’une personne
non noire. Rien d’étonnant puisque le Canada a une politique migratoire
sélective : le diplôme et/ou la qualification donnent des points au
dossier des requérants. Or, les immigrants ne (re)trouvent pas une situation
professionnelle équivalente à leur arrivée. Ils doivent subsister et prennent
donc les premiers emplois qui se présentent, des emplois
« alimentaires » peu qualifiés…
Enfin, il résulte de tout cela que 27 %
des enfants noirs vivent en situation de pauvreté, soit deux fois plus que les
autres ; et également deux fois plus des femmes noires sont mères célibataires.
C’est le portrait parfait de foyers dits vulnérables. Sans l’aide de l’état,
pour rééquilibrer les chances d’accès aux soins, à l’éducation et à l’emploi,
toute une génération peut vite se retrouver en marge de la société. Dans ces
conditions, il n’est pas étonnant d’assister au développement des gangs de rue
et des zones de non-droit dans les grandes métropoles canadiennes. Attention,
si la population noire en âge de travailler est constituée à 70 % de
personnes nées à l’étranger, elle est aussi plus jeune, plus diversifiée et
s’accroit année après année. Bref, si le système ne change pas, le problème va
s’aggraver.
Alors, faut-il instaurer des quotas, faire de
la discrimination positive ? Au gouvernement fédéral, comme pour les autres
populations considérées comme fragiles (handicapées, minorités visibles,
autochtones, etc.), c’est ce qui existe. Mais quand la société civile, les
entreprises privées, les organismes à but non lucratif, ou ici, le gouvernement
du Québec, vont-ils emboiter le pas ? Les moyens existent d’accélérer les
changements, pour peu que l’on y mette de la bonne volonté.
Plus largement, j’aimerais est que cette prise
de conscience antiraciste en faveur des noirs s’étende à tous les autres, pour
plus d’ouverture, de tolérance et d’actions positives. Et particulièrement à
l’endroit de la population historiquement discriminée que sont les autochtones.
Imaginez que le gouvernement du Québec se demande encore s’il devrait signer la
Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones !