ÉDITORIAL
Gatineau bilingue ? Et pourquoi pas le Canada ?
Outre les élections municipales, pour lesquelles il n’y a pas eu de grande surprise sur le nom de la candidate victorieuse, les surprises sont plutôt venues du côté de la francophonie, enfin de sa négation. En quelques jours, nous avons en effet appris que les fonctionnaires fédéraux recrutés récemment par Immigration Canada (et basés à Montréal) sont unilingues anglophones ; que l’Ontario voisin consacre le recul pour les Franco-ontariens, en donnant les détails de sa « Loi sur les services en français » ou encore que le PDG d’Air Canada (dont le siège est, encore là, à Montréal) fait un discours devant la chambre de commerce de la métropole, mais uniquement en anglais !
Commençons par ce dernier. Michael Rousseau (le philosophe français se retourne dans sa tombe !) est né à Montréal en 1958, a étudié à York University, est marié à une Québécoise francophone et il est revenu vivre à Montréal il y a 14 ans. Cependant, il n’aurait pas eu le temps d’apprendre le français… OK, j’essaie de garder mon calme… Ce gars, désormais PDG de LA compagnie aérienne nationale canadienne (supposément bilingue) a suivi des cours de français depuis son primaire ; est diplômé de la seule université anglophone au Canada qui possède tout un campus francophone (Glendon) ; a vécu dans une ville francophone (certes la plus bilingue des villes canadiennes) et peut échanger quotidiennement avec sa conjointe en français. J’ajouterais qu’il pourrait prendre à cœur sa fonction symbolique et afficher une certaine connaissance du français, histoire de passer pour un « vrai » Canadien. Mais non, même sa page professionnelle du site web des Comptables professionnels agréés n’est pas traduite et renvoie à la page en anglais. Come on, Mike, don’t you have an assistant with a computer and Deepl? Pour Legault, cette tempête dans un verre d’eau est une bénédiction, croyez-moi…
En ce qui concerne les gouvernements de l’Ontario et du Canada, dans leurs champs de compétences respectifs, comment dire ? Allez, je me lance : je ne suis pas étonné. Sans la caution de Catherine Mulroney, Ford a largement montré son mépris du fait francophone depuis sa prise de pouvoir, il y a deux ans et demi (cela parait pourtant une éternité, non ?). Comme Rousseau, il a été bien trop occupé depuis le début de sa vie pour apprendre à dire autre chose que « Bonjour » en français. Ces gens-là ne cessent de me surprendre et de m’épater, moi, qui pensais avoir une vie très occupée… Quant au gouvernement du Canada, il est dans la droite ligne de son histoire, en particulier, et de manière encore plus hypocrite, depuis Trudeau père : le discours d’un côté, les actes de l’autre, mais la plupart du temps au détriment du français. Les os à ronger qui ont été donnés ces cinquante dernières années ont permis de faire passer la pilule de la doctrine officielle du Canada : le multiculturalisme, dans laquelle les francophones ne sont qu’un peuple, une culture, une langue comme les autres. Soyez courageux, messieurs les libéraux, et officialisez l’unilinguisme dont vous rêvez tant !
D’ailleurs, même si aucun candidat aux élections municipales n’avait initialement abordé le sujet dans son programme, le Bulletin aurait découvert un nouvel enjeu pertinent : Gatineau pourrait (voudrait ?) devenir une ville bilingue… Ah ! Bon ? Mais ne l’est-elle pas déjà ?