ÉDITORIAL
« Il est l’or, monsignor » (Yves Montand dans La Folie des grandeurs)
Dans la polémique sur la rémunération des médecins spécialistes, M.Couillard nous parle de respecter l’entente signée entre le gouvernement libéral de l’époque et le docteur Barette (déjà), comme si son intégrité en dépendait. Concept à géométrie variable comme peuvent en témoigner les 2500 cadres du système de santé, qui ont vu leur indemnité de départ divisée par deux unilatéralement en 2015. De plus, le bon docteur, en poste depuis quatre ans, semble avoir oublié que « mieux vaut prévenir que guérir ».
1,5 milliard, dont 511 millions répartis sur 8 ans, qui correspondent au coût de la vie (l’inflation); le reste étant un rattrapage. Voilà les chiffres. Cela équivaut à 150 000 $ par personne. Les avantages? C’est moindre que dans la fonction publique; c’est réparti sur 12 ans au lieu de 7 initialement; les médecins spécialistes devront fournir le service partout et en tout temps, et les échographies seront gratuites. Économie totale selon le ministre de la Santé : 3 milliards de dollars. Cependant, déjà en 2016, les spécialistes québécois gagnaient 15 % de plus que leurs homologues ontariens. Qu’en sera-t-il à l’avenir?
Et depuis quand offrons-nous aux employés et professionnels québécois un rattrapage pour égaler les salaires avec l’Ontario? Pour les seuls enseignants, cela équivaudrait à une hausse de 20 000 $ en milieu de carrière. Pourtant, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a lui-même avoué en mars 2016 que le Québec ne pouvait se permettre cette dépense. L’éducation serait-elle moins importante que la santé? Admettons… Mais vous comprenez où je veux en venir. C’est un peu n’importe quoi. D’ailleurs, quid des autres professionnels de la santé, comme les infirmières?
De surcroît, les gens préfèrent améliorer la qualité de leurs conditions de travail plutôt que d’être très bien payés. Question de bien-être et de santé mentale. Après tout, si tu as déjà une maison à 1 million, 2-3 voitures à 100 ou 150 000 $, 2 chalets, dont un dans le sud, si tu vas faire du ski dans le Colorado chaque hiver et que tes enfants fréquentent l’école privée la plus chère du Québec, que feras-tu de ces 20 000 $ supplémentaires par an? Les placer dans un compte aux Bahamas pour assurer l’avenir de ta progéniture?
Les médecins ont été transformés en fonctionnaires, on mesure leur travail à la quantité d’« actes » accomplis (si vous posez deux questions médicales distinctes pendant la même consultation, il devra vous facturer deux actes!).
Dans la plupart des autres pays développés, c’est une profession libérale, sous convention avec l’état, duquel ils reçoivent des sommes forfaitaires et le remboursement des patients y est plafonné. Bref, ceux qui veulent payer davantage peuvent le faire, mais à leurs frais.
Enfin, il y a consensus pour dire que la quantité d’heures travaillées n’est pas en question. Les médecins travaillent certes parfois les fins de semaine, mais pas tous les jours de la semaine; parfois le soir jusqu’à 8 heures, mais avec matinées complètes de libres, pour amener leurs enfants à l’école… ou simplement dormir; ils ne font pas des quarts de 8 h consécutives, ni 60 heures de travail par semaine. Pourtant, ils gagnent entre 200 000 dollars et 300 000 $ par an.
Même si le véritable enjeu réside dans la valeur que nous donnons au travail, à notre rémunération comparée à la qualité de nos environnements de travail et de notre vie, il n’en reste pas moins que nous sommes pire que certains pays dits en développement quant à l’accès aux soins de santé.
Pourrait-on revoir les priorités?