Inquiétante pénurie de main-d’œuvre partout en Outaouais
Bien des secteurs d’activité sont aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre partout au Québec. La Ville de Gatineau et la région de l’Outaouais ne se trouvent pas épargnées par ce phénomène. Les entrepreneurs d’ici disent que cette difficulté touche à la majorité des emplois.
Au Québec, depuis 2004, le taux de postes inoccupés est passé de 2% à 3,9%, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). C’est l’Outaouais qui est la région la plus touchée. Au premier trimestre de 2018, l’Outaouais avait un total de 3,5% de ses postes vacants. L’Abitibi-Témiscamingue arrivait deuxième avec un chiffre de 3,3%.
Selon les experts, ce n’est pas le taux de chômage qui préoccupe les entrepreneurs à l’heure actuelle. En date de décembre 2018, le taux de chômage se chiffrait à 4,3 % pour Gatineau.
Avec les baby-boomers qui quittent le milieu du travail pour la retraite dans les prochaines années, la pénurie de main-d’œuvre pourrait aller de mal en pis. Particulier à l’Outaouais, l’attrait des emplois gouvernementaux est également un autre obstacle pour les entrepreneurs qui recrutent du personnel. Avec la sécurité d’emploi au fédéral, les gens décident de faire l’entièreté de leur carrière dans le secteur public. C’est une constatation faite par l’Association des professionnels, industriels et commerçants d’Aylmer (APICA).
« La pyramide est inversée, il y a plus de gens qui vont à la retraite et le taux de natalité ne va pas en augmentant », spécifie François Sylvestre, président de l’APICA; « s’il y avait des mesures incitatives pour garder les gens sur le marché du travail plus longtemps, ça causerait peut-être moins de problèmes aussi. »
L’enjeu de l’immigration en est primordial pour les employeurs, puisque la majorité des nouveaux arrivants s’installent dans les grandes villes, incluant la métropole montréalaise. L’organisme Tourisme Outaouais (TO) voudrait bien faire en sorte que le processus d’obtention des permis d’immigrations temporaires et des permis vacances-travail soit plus simple pour les gens qui viennent au Canada. Étant donné l’énormité de l’actuelle « crise », le tout a été repris par l’Alliance de l’industrie touristique du Québec (AITQ).
Regroupant plus de 550 entreprises membres, Tourisme Outaouais indique que la situation est alarmante dans toute l’Outaouais. Selon la présidente, Geneviève Dumas, une future usine de fabrication de cannabis pourrait être dramatique puisque cela ira chercher des gens à bons salaires. En matière de pénurie, « c’est sûr que la crise va être beaucoup plus présente à la fin du mois d’août, quand les cégeps commencent », dit Mme Dumas.
Entre autres, TO propose au gouvernement du Québec de repousser la date d’entrée du Cégep pour mieux correspondre aux besoins de l’industrie.
De 2018 à 2023, le Québec, par l’entremise de son plan stratégique national, investit et investira une somme de 1,3 milliard de dollars pour la stratégie de main-d’œuvre. « Les entrepreneurs ne sollicitent pas nécessairement cette aide gouvernementale », dit Jean Ravenda, vice-président de la Chambre de commerce de Gatineau (CCG) et propriétaire de Club Piscine Gatineau/Nepean. La CCG a parmi ces objectifs de mettre ce programme en lumière avec Emploi Québec auprès des entrepreneurs de Gatineau.
Pour avoir le pouls du problème, la CCG a consulté ses membres, environ 850, et « la disponibilité de main-d’œuvre est la priorité numéro un », témoigne Jean Ravenda. Même son de cloche au niveau de l’APICA où bon nombre de conversations dans les réunions 5 à 7 concernent cette pénurie.
Des restaurants vont même à couper des heures d’activités commerciales par manque d’employés, ce qui nuit à la santé financière des entreprises. Denis Lavallée est propriétaire de cinq Tim Hortons et il côtoie la pénurie de main-d’œuvre jour après jour. Le recrutement de personnel est particulièrement difficile lors des rentrées scolaires; fin août, en septembre et au début d’octobre. « En ce moment, on se trouve à choisir et à engager les gens selon leur disponibilité », relate M. Lavallée. Auparavant, les employeurs du Tim Hortons avaient plus d’embarras du choix et pouvaient davantage choisir selon le talent des candidats. « Je n’ai jamais vu cela de même », rétorque M. Lavallée.
La Chambre de commerce a lancé une campagne pour améliorer la situation intitulée « passons à l’action ». « Tout le monde en parle, mais personne ne sait réellement quoi faire », souligne M. Ravenda. Un des buts de la campagne est d’augmenter la productivité de chaque employé – pour faire plus avec moins, « sans que les employés ne travaillent plus fort, mais plus intelligemment ».