ÉDITORIAL
Jason, François, Doug et les autres
Longtemps, j’ai cru que la distribution de ce mauvais film auquel nous assistons depuis quelque temps était inégale : nous, Québécois, avions quand même fourni le meilleur de ces acteurs ; il n’était pas « si pire », avec son côté social, plus à gauche que prévu. Et bien, il faut croire, que le proverbe dit vrai : chassez le naturel, il revient au galop.
Si contre vents et marées climatiques, le premier ministre de l’Alberta continue de défendre un modèle de développement économique désuet et des plus coûteux, fondé sur l’exploitation des énergies fossiles, celui de l’Ontario, fraichement réélu, a carrément fait campagne en promouvant la construction des routes et l’investissement dans l’industrie automobile… Et ceci, sans jamais aborder un seul véritable enjeu actuel. Il a joué avec succès la carte du consensus mou.
Chez nous, au Caquistan, on connait la capacité de déni du gouvernement Legault, par exemple sur le racisme systématique ; on a vu le manque de souplesse des réformes (la loi 96 a ses mérites, mais aurait nécessité plusieurs ajustements de bon sens). On attribue la réussite de François Legault à son pragmatisme — lui-même la justifie d’ailleurs par son passé d’entrepreneur à succès, comme s’il y avait une corrélation — à sa persévérance et à son flair politique. Ce n’est rien d’autre que de l’opportunisme, voire du populisme, au service de la soif du pouvoir.
La preuve ? Son discours au congrès annuel de la CAQ la semaine dernière. Il a battu le pompon. Parmi tous les enjeux — québécois, canadiens, mondiaux — d’aujourd’hui, le fondateur de l’ADQ, a choisi l’immigration comme thème principal de campagne. Franchement ? Il est vrai qu’il ne s’est jamais targué d’être un penseur ou un visionnaire (ça, c’est du pragmatisme !)… Mais surfer sur la vague de la peur des immigrants, en l’associant au « déclin » du français (un Québec potentiellement « Louisianisé » ?) ; faire vibrer la corde archiusée de la « survivance » ; jouer avec la peur des uns contre les autres, tout cela est malhonnête, démagogue, et ne fera que renforcer la polarisation de la société civile et les tensions sociales.
Legault ratisse encore plus large, il en appelle à notre « fierté », il racole du côté des souverainistes. C’est sa version du nationalisme : le Québec aurait une place en tant que nation au sein de la confédération. Euh… N’importe quoi ! Admettons que les Québécois, constituent un « groupe humain assez vaste [caractérisé] par la conscience de son unité et sa volonté de vivre en commun », quid de la « communauté politique […] personnifiée par une autorité souveraine » ? Aucun gouvernement canadien n’acceptera jamais de déléguer ses compétences (souveraines, justement) en immigration. Et pourquoi pas une armée québécoise ? Ou une monnaie québécoise ? Eh, garçon, ton mandat majoritaire, ça fait quatre ans que tu l’as ! Un autre mandat ne changera rien.
Et pour couronner le sundae avec une cerise populiste, il termine sa proposition électorale avec des chèques de 500 dollars, le premier avant les élections et le second après. Oui, oui, la bonne vieille méthode héritée des siècles derniers… acheter le vote. Et à la fin du mois, que nous restera-t-il ? Un meilleur système de santé ? Une éducation de plus grande qualité ? Les candidats de la CAQ pourraient tout aussi bien faire du porte-à-porte pour vous donner cinq billets à l’effigie de Borden !