ÉDITORIAL
Je-robot
Dans un avenir proche, beaucoup de professions vont disparaître (presque 1 emploi sur 2 d’ici 20 ans au Canada, 3 sur 10 au Québec), y compris dans les services, et je ne parle même pas de l’agriculture ou de toutes les industries manufacturières qui seront automatisées. Combien d’entre nous seront touchés? Je dis «nous», mais en réalité, ce sont nos enfants qui vont l’être. Si la génération X, dont je fais partie, s’est toujours fait du souci pour trouver et garder son emploi, coincée qu’elle était entre les baby-boomers convoités par les politiques et les jeunes courtisés pas la publicité, imaginez le souci qui l’attend pour ses enfants… Et cela a probablement commencé.
C’est l’angoisse technologique. Pire que penser qu’un robot puisse nous remplacer, que nous devions lui obéir. Josée Blanchette, chroniqueuse du Devoir, compare cette situation au cheval remplacé par la voiture au XIXe siècle. Vous l’avez compris : l’humain serait le cheval et les intelligences artificielles (IA) les automobiles. À coup de drones, de GPS et de logiciels, c’est un paquet de travailleurs qui risquent de se retrouver sur la touche : chauffeurs de taxi, camionneurs, employés de chaines de restauration rapide, conseillers financiers et juridiques, adjoints administratifs, caissiers, vendeurs, arpenteurs-géomètres, même les psychologues et journalistes.
Certains, tels les économistes de renom Pierre Fortin ou David Antor, restent quand même optimistes. Ils avancent que cette tendance cache une bonne nouvelle. Nous aurons l’opportunité de nous reconvertir, de rebondir, de « relever de nouveaux défis » (je déteste cette expression hypocrite). La création d’emploi va probablement se déplacer vers des secteurs plus créatifs; après tout, il faudra bien les concevoir, les programmer et les designer ces robots « intelligents ». On a déjà commencé avec les téléphones… Ils ajoutent qu’après tout, les guichets automatiques n’ont pas remplacé les caissiers dans les banques. C’est vrai. Pas encore en tout cas. Nous allons donc inventer de nouveaux emplois, que l’on peut à peine imaginer, sauf si on est auteur de science-fiction. Nous aurons également plus de temps pour les loisirs, pour être plus productifs. D’ailleurs, le chômage n’a-t-il pas globalement baissé en tendance (de 9 % à 7 %) et le taux d’emploi de la population adulte continué d’augmenter depuis les années 1970? Nous pourrions mettre ça sur le compte des femmes qui travaillent aujourd’hui davantage, mais bon....
Bref, cela signifie-t-il qu’il faut laisser faire et subir? Je dirais plutôt qu’il faut plutôt se préparer à être ce que le Baccalauréat International appelle « un étudiant pour la vie », c’est-à-dire à se former de manière continue ou discontinue, mais tout au long de notre existence. Au nom du marché, où le produit (ou le service) doit s’adapter à la demande. Stimulant intellectuellement, mais fatiguant psychologiquement et physiquement, non? Ou alors, plus besoin de travailler, les robots feront le reste. Mais alors qui va payer pour les hôpitaux, les écoles, les tribunaux ou les gouvernements? Pourra-t-on encore accéder à l’élite de nos sociétés, faire partie de ces quelques familles au pays qui possèdent l’équivalent de toute la richesse réunie des 30 % les plus pauvres? Comme vous le voyez, ce sont de grandes questions existentielles auxquelles nous invitent sans le savoir les ingénieurs informaticiens spécialistes des logarithmes, du codage, de la robotique et de l’intelligence artificielle.
Je vous laisse sur ces belles paroles, mais avec une autre porte de sortie : le minimalisme. Le slogan de ce mouvement, qui prône la vie dans un petit espace, la déconsommantion et des rapports humains enrichis, a pour slogan : « Aimez les gens. Utilisez les objets. L’inverse ne fonctionne pas ».