ÉDITORIAL
« Je vous prête le bonjour » (L’Avare)
Je rigole un peu. Pour cacher une fureur que vous risquez de partager. Effectivement, cela concerne notre progéniture et son éducation. Parlons du futur cours d’éducation financière du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur du Québec. Je me suis renseigné, pensant que cela n’était que pure improvisation.
Et ô surprise! Il existe déjà un programme pour ce cours d’univers social qui commence en septembre prochain. Dès la première page, quelques mots attirent mon œil : « finance personnelle », « contexte socioéconomique particulier », « quotidien des élèves ou leur avenir immédiat », « comportements responsables », « développe le discernement ». Un peu plus loin, c’est plus clair : on parle des « enjeux ». Ouf, je suis content, nous allons faire comprendre à nos enfants comment fonctionne une entreprise (les coûts, le bénéfice, l’investissement…); notre économie (la bourse, les échanges internationaux, le libéralisme, le capitalisme); comment l’état peut se positionner dans une société où la liberté individuelle domine, où nos modèles sont des ingénieurs qui ont créé des « start-ups » et sont maintenant milliardaires; quels sont les impacts de notre modèle socioéconomique et comment le conjuguer avec un développement durable. Bref, j’ai cru que les libéraux au pouvoir désiraient aider nos finissants à mieux comprendre l’environnement dans lequel ils vont entrer et devenir des décideurs, des électeurs, des citoyens plus altruistes et plus intègres.
C’était idéaliste : ces mots n’apparaissent même pas dans le programme. Toutefois, voici quels sont les enjeux : « Consommer des biens et des services, intégrer le monde du travail et poursuivre des études ». Avec une compétence ultra importante comme axe de travail : « prendre position sur un enjeu financier ». Le reste du document et un copier-coller des autres matières pour ce qui est des relations avec les domaines généraux de formation, du rôle de chacun (élève, enseignant) ou de l’évaluation (pages 2 à 6).
Donc, si je résume, on va couper dans le seul cours de culture générale qui permettait d’avoir une vue globale de notre société (Monde contemporain) pour améliorer le « bien-être financier » (p.7) de la population. Certes, il est question d’aspects légaux, de comprendre un budget personnel, les notions d’endettement, d’épargne, de pouvoir d’achat ou d’imposition (p.10). C’est bien, mais à long terme? Ne sommes-nous réduits qu’à être des consommateurs informés et responsables; et notre but dans la vie, bien gérer notre budget? Est-il si urgent d’implanter ce cours, malgré l’avis négatif du Conseil Supérieur de l’Éducation, au lieu de l’intégrer à un cours qui donnerait une véritable littératie économique?
Le ministre Sébastien Proulx continue de penser que non. Pourquoi? Un contexte d’urgence. Lequel? Mystère. L’endettement des Québécois? Leur tendance à dépenser leur épargne avec Loto-Québec? Leur propension à élire des représentants qui n’ont pas de vision socioéconomique à long terme? Il ne le dit pas.
Je rigole un peu, quand je vois que cela vient de la part de gens qui font des promesses dont ils savent que les règles de fonctionnement de leur administration ne permettront pas que l’argent arrive aux bénéficiaires. Je parle des fonds en éducation promis chaque année par notre gouvernement à grands coups d’annonces dans les médias (un exemple parmi des dizaines : 3,2 millions $ pour améliorer la maitrise de la langue au cégep en 2016) et qui sont rendus disponibles seulement un an plus tard, trop tard pour être intégrés aux budgets des établissements scolaires. Résultat : cet argent reste dans les caisses de l’état. Quel cours devraient donc suivre nos ministres libéraux pour devenir honnêtes et visionnaires?