ÉDITORIAL
Jouer, la plus sérieuse des activités
L’été est la saison du jeu. L’été, il semble que l’on se laisse volontiers aller à une certaine décontraction. À cause de la chaleur et du soleil qui invitent à diversifier les activités extérieures ? Sont-ce les vacances scolaires qui donnent un autre rythme – moins fou – à notre quotidien ? Ou encore la multiplication des activités et sports offerts?
Ainsi, beaucoup de jeunes sont inscrits à des sports, ce qui revient fondamentalement à jouer, avec un ballon, dans l’eau, etc. Mais à voir les cris des parents sur le bord des terrains, l’état d’esprit de certains entraîneurs ou même les enfants entre eux, on pourrait douter qu’ils prennent cela comme un jeu.
Or, considérer les activités de jeu comme des compétitions systématiquement entraîne une pression indue. Pire, qu’en est-il du jeu libre ? Vous savez du genre « papa, maman, on va jouer dehors, on revient dans 3-4 heures ». Cela existe-y-il encore d’ailleurs? Au Canada, de nos jours, des parents sont en cour pour négligence. Laisser jouer son enfant sans supervision vient à peine d’être décriminalisé en Utah ! C’est tout dire sur l’état actuel des choses sur notre continent.
Observons d’abord ce qui est proposé aux tout-petits : les structures de jeu. Des lieux ultra-étudiés pour permettre des apprentissages psychomoteurs, avec des activités ciblées, tout en réduisant la prise de risque… Plus grand, vers 5-6 ans commencent les sports, notamment collectifs, l’été surtout le soccer; jeu roi dans cette tranche d’âge, parce que très accessible (règles simples, compétences requises réduites, faible coût, socialisation). Là, déjà, bien que les mini-parties en rotation contre d’autres équipes ne conduisent à aucun classement, les parents s’attendent à ce que l’enfant se dépasse et/ou dépasse les autres (en courant plus vite, en gardant le ballon davantage ou en marquant des buts). Cet état d’esprit se perpétue les années suivantes, mais attention, s’il y a contact, qu’un enfant en pousse un autre ou donne un coup, c’est la révolution. On pousse des cris d’orfraie, on se précipite au chevet du blessé. Tout s’arrête.
Désir de performance, esprit compétitif, mais sans prise de risque. Ce sont les caractéristiques des « parents-hélicoptère ».
Plus exactement, le parent-hélicoptère plane toujours au-dessus de son enfant, toujours pour le meilleur (bien sûr), il est très engagé dans de ses activités et vole à son secours à la première alerte… Aspects positifs : proche de son enfant, aide utile pour aider à traverser les étapes de la vie. Aspects négatifs : dit toujours oui, tout de suite, sans enseigner à gérer la frustration; tend à devenir un ami. Au bout du compte, les enfants sont moins indépendants (physiquement et psychologiquement), moins audacieux, plus « fragiles », et en fait ont moins confiance en eux. Ajoutez-y la pression compétitive et vous avez un cocktail anxiogène, qui peut conduire à la dépression. En effet, comment faire ses preuves dans ses conditions ? Comment se sentir à la hauteur ? Sans compter le sentiment d’ingratitude que les parents peuvent vivre, ayant donné tellement que leur progéniture ne pourra le leur rendre. Cela peut aller loin, regardez la série de fiction « Big Little Lies ». Vitesse, hauteur, vrais objets de la vie, oui, le jeu libre est risqué, mais sain pour nos enfants… Et pas seulement dans les cours d’école et les parcs.