ÉDITORIAL
L’arbre qui cache la forêt ?
En 1972, la Conférence sur l’environnement de Stockholm déclarait que l’Homme [étant] la créature et le créateur de son environnement », « la protection et l’amélioration de l’environnement est une question majeure [et] constitue un devoir pour tous les gouvernements » ; « Nous sommes à un moment de l’histoire où nous devons orienter nos actions dans le monde entier en songeant davantage à leurs répercussions sur l’environnement » ; « pour que ce but puisse être atteint, il faudra que tous, citoyens, collectivités, entreprises et institutions […] assument leurs responsabilités et se partagent équitablement les tâches ».
La déclaration finale de ce sommet énonçait également 26 grands principes, dont plusieurs relèvent des droits fondamentaux de la personne, mais aussi de la bonne gouvernance ou du bon sens écologique (principe 3 : la capacité du globe de produire des ressources renouvelables essentielles doit être préservées ou principe 6 sur les « rejets de matières toxiques », par exemple). C’était il y a cinquante ans, vous rendez-vous compte?
Depuis :
- Le PIB mondial (basé sur la production et la consommation de biens et services) a été multiplié par 15 ;
- L’extraction de l’énergie et des ressources naturelles a été multipliée par 3 ;
- La population a doublé, à près de 8 milliards ;
- 1,3 milliard d’êtres humains vit encore dans la pauvreté ;
- 700 millions de personnes souffrent d’une faim chronique ;
- 75 % des terres subissent les effets des activités humaines ;
- 67 % des océans ;
- 1 million (sur 8 millions) de plantes ou d’animaux ont disparu ou sont en voie d’extinction ;
- Seuls 75 pays parmi les 200 signataires de l’Accord de Paris ont révisé/actualisé leurs engagements au 31 décembre 2020, comme cela était convenu préalablement ;
- Ces 75 pays constituent seulement 30 % des émissions de gaz à effet de serre mondiaux ;
- La portée de leurs réformes et projets équivaut à moins de 1 % de baisse de ces mêmes émissions ;
Pour rester dans le 1,5 degré de réchauffement, qui est le seuil avant une série de catastrophes sans précédent - du style de celles décrites dans la chanson des Cow-boys fringants « Plus rien » -, il faut une baisse de 45 % des GES par rapport à 2010 !!! Selon la trajectoire actuelle, nous serions à 3 degrés en 2100, sachant que le CO2 ne compte que pour les deux tiers des gaz à effet de serre! Mais d’ici 2050 :
- La population mondiale sera passée à 9 milliards ;
- La production d’énergie devra croître de 50 % ;
- La production de nourriture devra croître de 70 %.
Vous me direz, je serai mort. Eh bien oui, et moi aussi. Mais peut-être pas mes filles, et probablement pas mes petits-enfants. Pour justifier notre laisser-faire et notre manque de courage, à une échelle individuelle comme collective ou gouvernementale, nous pouvons bien nous cacher derrière toutes les raisons qu’on veut, comme le surgissement de la pandémie depuis un an, mais les faits sont là. Et ils sont têtus. On peut bien rêver à une sorte de renaissance, après ce long hiver de confinement et de restrictions sociales, on ne revivra pas les « Années folles » de l’après-Première Guerre mondiale. Restons plutôt lucides : quels autres (vrais) sacrifices, quels autres choix sommes-nous prêts à faire, pour que nos petits-enfants soient fiers de nous ?