ÉDITORIAL
L’arc-en-ciel au bout du tunnel
Vous en avez vu un peu partout à l’extérieur ; vous en avez vous-mêmes confectionné ou acheté avant de le coller à votre fenêtre, l’arc-en-ciel est affiché depuis plusieurs semaines comme le symbole de la résilience et de l’optimisme en l’avenir. Accompagné du slogan « Ça va bien aller ».
Nous le redécouvrons, alors qu’il est plutôt associé à l’univers des jeux pour enfants et bien qu’un arc-en-ciel après une averse soit toujours pour nous, adultes comme enfant, une source d’émerveillement. Sur un drapeau, les couleurs de l’arc-en-ciel ont d’abord signifié l’harmonie et la paix, jusqu’à ce qu’en 1978, un graphiste américain, militant de la cause homosexuelle, conçoive le drapeau à huit couleurs que l’on connait aujourd’hui comme le symbole du mouvement LGBT+ ; pour des raisons techniques, seules six seront retenues en final : rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet.
Déjà dans la Bible, ce phénomène météorologique en forme d’arc de cercle signifiait l’union entre le ciel et la terre, l’alliance entre Dieu et les êtres humains. Un peu comme un pont, entre la vie et la mort, par exemple chez les Navajos. Dans d’autres sociétés, sa signification est associée aux vêtements (ourlet des vêtements des dieux au Groenland ; tapisserie posée par les mains du vent en Arabie…) ou aux animaux (un serpent qui descend du ciel chez les Roumains, les Bretons ou en Afrique).
Maintenant, pour revenir à une approche plus scientifique, on peut se souvenir qu’Isaac Newton est le physicien qui, au XVIIIe, a analysé ces arcs colorés dans le ciel grâce à ses prismes de verre. Rien de magique là-dedans : les rayons solaires de lumière blanche traversent des gouttes de pluie et par l’action de phénomènes conjugués de réfraction, de réflexion et de dispersion, ils sont décomposés en un spectre de sept couleurs. Si la lumière est réfléchie deux fois dans une même goutte, alors deux arcs-en-ciel peuvent se former ! Mais les petits curieux que vous êtes se demandent : y a-t-il vraiment sept couleurs distinctes ou est-ce mon œil qui le voit ainsi ? En réalité, le spectre visible est continu, il n’y a pas de frontière réelle entre les couleurs ; nous distinguons juste difficilement celles qui sont voisines. Au passage, on peut rajouter l’indigo à la liste précédemment citée, même si c’est en fait du bleu foncé.
En ce moment, on en ferait presque un augure (positif) de ce qui nous attend dans les semaines et les mois à venir… ce qui ressemble un peu à la méthode Coué, fondée notamment sur l’autosuggestion consciente. En gros, répète-toi comme un mantra une petite phrase du genre « Ça va bien aller », et elle finira par se réaliser. Or, l’arc-en-ciel peut en effet servir à prévoir… seulement le temps qu’il va faire : il ne peut qu’apparaitre qu’à deux moments de la journée, quand le soleil est suffisamment bas et en direction opposée à la pluie, donc le matin quand la pluie tombe à l’est et le soir, si elle tombe à l’ouest. Bref, puisque les systèmes météo se déplacent d’ouest en est en général, un arc-en-ciel se formant à l’est en fin de journée indiquera que les nuages et la pluie s’éloignent. En tout cas, symbole d’une cause à défendre, mais surtout de notre cupidité maladive, l’arc-en-ciel est devenu aujourd’hui un objet commercial. Étrange, non ?