ÉDITORIAL
L’« arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde » (Nelson Mandela)
Trois semaines après la rentrée scolaire, nous commençons à rentrer dans le rythme de l’année seulement maintenant. Les routines s’installent : le lever, le coucher, l’heure du souper, les entrainements sportifs, les cours d’art, l’épicerie hebdomadaire… Les choses rentrent dans l’ordre naturel, cet ordre des choses évidentes, que nous oublions parfois d’apprécier à leur juste valeur.
Aujourd’hui, ici, au Québec, plusieurs milliers d’enfants ne peuvent aller à l’école gratuite. Un article dans le Devoir de la semaine dernière m’a ouvert les yeux sur cette situation totalement intolérable. Le protecteur du citoyen du Québec estimait déjà en 2014 que près d’un millier d’enfants se voyaient refuser le droit à l’éducation sur notre territoire. Comment ce chiffre aurait-il pu diminuer depuis?
Mais vous vous interrogez : de quoi parle-t-il? « Si tel était le cas que plusieurs milliers d’enfants à travers le Québec étaient interdits d’école, nous le saurions ». Pas si ces jeunes et leurs parents n’avaient justement aucune existence légale. Je parle évidemment des enfants provenant de famille immigrée sans papiers. Non pas que ces parents-là ne veuillent pas les mettre à l’école. On leur en nie tout simplement le droit.
Le « droit », comme dans les droits et les devoirs d’un citoyen. Je parle de légalité… et de l’égalité.
En remodelant l’ancien projet de loi 86 du gouvernement Marois, le projet 105 du gouvernement Couillard vient tout simplement de faire passer à la trappe la disposition permettant à ces enfants non-résidents ou sans statut d’aller à l’école. On n’en parle pas, donc ça n’existe pas. Facile, non? Réponse officielle : le ministre responsable peut toujours exercer son pouvoir discrétionnaire. Pour 1000 enfants? C’est un emploi à plein temps, ça!
Les conventions internationales (signées par le Canada et le Québec) sont claires : tout enfant a droit à une éducation de qualité, gratuite, et sans discrimination ou exclusion. En fait, c’est ce que l’on appelle un droit de deuxième génération, consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (article 26), dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (articles 2, 13 et 14) et quantité d’autres textes. Dans ce but, il faut se souvenir que l’école a un double rôle. En effet, si comme les Européens, l’éducation est pour nous « (…) la somme des procédés par lesquels, dans toute société, les adultes d’inculquer aux plus jeunes leurs croyances, coutumes et autres valeurs », alors que l’enseignement vise plutôt « la transmission des connaissances et la formation intellectuelle », alors l’école s’occupe à l’évidence des deux, en joignant ses efforts à ceux des parents pour ce qui a trait à l’éducation.
Mais justement, quel état peut sciemment exclure de jeunes immigrants de la société qui les accueille? Quelles valeurs leur inculque-t-on dès lors? L’ouverture d’esprit, le respect de la culture d’autrui et la curiosité dont on se réclame si souvent? Ce n’est pas les écartant qu’ils apprécieront davantage le Québec. De plus le droit à l’éducation est indispensable à l’exercice de tous les autres droits : il promeut la liberté individuelle, l’autonomisation, l’esprit critique. Il permet à chacun de s’épanouir dans la vie sociale, de participer à la vie économique et culturelle de sa communauté. Alors quel est l’objectif? Veut-on punir ainsi leurs parents? Faire des économies en période de coupes budgétaires?
Les libéraux tenaient la fin de semaine dernière leur forum sur le progrès social… Au lieu de faire de la masturbation intellectuelle et de grands discours, qu’ils appliquent les grands principes humanistes dont ils se disent les défenseurs.