ÉDITORIAL
L’embrasement du monde
Des records de température sont enregistrés cet été partout dans l’hémisphère Nord. C’est un fait. Les épisodes de chaleur (ou de froid) extrême s’accumulent, atteignant de nouveaux records chaque année. C’eut été impossible à une époque préindustrielle, selon tous les spécialistes et leurs modèles statistiques ou numériques. Traduction : l’être humain a provoqué cette crise. C’est également un autre fait indéniable. Bon, on pourrait dire qu’en soi ces canicules sont gênantes, mais il suffit de se tenir à l’abri pendant les heures les plus chaudes de la journée pour y échapper. Quand on peut. En réalité, le problème est autre : les vagues de chaleur — de plus de 35 ou 40 degrés Celsius — qui nous accablent ont de nombreuses conséquences néfastes.
L’une des premières d’entre elles et la plus impressionnante, ce sont les incendies. Où ? Pas mal partout sur le globe. Par exemple, dans tous les pays d’Europe, de l’Angleterre et du Portugal, à la Moldavie, en passant par l’Espagne, la France et l’Italie… Ou encore, tous les états de l’ouest américain. Des milliers d’hectares d'arbres, d’arbustes ou de buissons disparaissent chaque semaine, ajoutant encore aux émissions de GES, tout en faisant disparaitre l’un des rares moyens de les absorber. En Espagne, c’est le double de la moyenne des feux de forêt dans la dernière décennie. Simplement dans le sud-ouest de la France, où je me trouve présentement, plus de 30 000 hectares de forêt ont été détruits depuis juin.
Face à ces brasiers destructeurs, des milliers de pompiers à pied, en camion ou en avion combattent courageusement, au péril de leur vie. Face à ces feux, des habitants comme vous et moi, sont stupéfiés de voir leur maison avaler en quelques minutes. Près de Bordeaux, en une semaine en juillet, près de 40 000 personnes ont été évacuées. Vous imaginez ? Une nuit torride d’août, la police toque à votre porte, vous avez cinq minutes pour quitter votre domicile. Vous me rétorquerez : on a connu ça avec les inondations en Alberta. En effet, mais avouez qu’il est plus facile de le regarder à la télévision, et quand cela se déroule chez les autres… Certes, pour les climatosceptiques, ce « n’est pas la fin du monde », la chaleur, la plage, le bronzage et les barbecues, c’est normal ! Un peu de clim’ et le tour est joué ! Et puis ici, on a de la pluie, non ? À part que des gens meurent et des vies entières partent en fumée.
Au fonds, il suffit que quelques conditions suffisantes soient réunies pour déclencher des incendies monstres : faibles précipitations en moyenne sur l’année qui précède ; sol sec et archisec ; végétation sèche et archisèche ; températures anormalement hautes ; en option : fort vent. Évidemment, nous pourrions y rajouter la main de l’homme (feu de camp intempestif, étincelle sur un rail de train ou action volontaire d’un-e pyromane), bien qu’elle soit déjà présente, puisque c’est elle qui a provoqué la situation actuelle, favorable aux feux de forêt, notamment par une déforestation forcenée et par la production de gaz à effet de serre. Nous sommes tous concernés. Que dire de plus alors ? Pour reprendre les mots de la chanson « Plus rien » des Cowboys Fringants, allons-nous attendre la « grande sécheresse » et puis les morts « par milliers […] par la soif ou la faim, comme tombent les mouches » ?