ÉDITORIAL
L’enfant martyre
Le Québec est choqué. Une petite fille de 7 ans vient de trouver la mort, suite à la maltraitance qu’elle a subie de ses parents : bâillonnée, ligotée pendant des heures, et à répétition, elle est finalement morte des suites de ses blessures… Choquant, intolérable, injuste et incompréhensible, instinctivement, ce fait divers nous pousse à chercher non seulement un coupable, mais tous les responsables. Alors, à qui la faute, en dehors de son père (drogué) et de sa belle-mère (récidiviste)? Au juge qui a maintenu la garde, malgré les témoignages de proches? À la DPJ, qui n’a pas su effectuer le suivi? Le « système » a bon dos.
En vérité, cette situation déplorable présente plusieurs facettes. D’abord, un problème d’éthique : la lâcheté individuelle a fait rage dès le début, hormis pour les quelques personnes qui ont fait le signalement auprès de la police. Cette dernière s’est finalement rendue sur les lieux et a enlevé la fillette des mains de ses tortionnaires.
Ensuite, il y a le problème du nombre de travailleurs sociaux. Résultat des coupes à répétitions des gouvernements depuis vingt ans, les personnes chargées d’encadrer et de porter assistance aux enfants en difficulté sont tout simplement surchargées de travail et peu reconnues. Au Québec, dépendant des régions, il y a au moins 5 mois d’attente avant d’avoir une intervention suite à un signalement. Même pas besoin d’imaginer ce qui peut se passer, nous en avons un exemple criant. Et encore, cette fillette avait été signalée dès sa naissance!
Parce que c’est avant tout une histoire de famille : comment s’étonner avec des familles éclatées, des écarts sociaux et de revenus qui ne cessent d’augmenter – avec la pauvreté matérielle et intellectuelle; dans les villes, les liens communautaires se distendent et les gens sont plus isolés que jamais...
Quant à l’institution scolaire, la commission scolaire du Val-des-cerfs, elle avait renvoyé la petite à la maison, en raison de « difficultés », et ce malgré le signalement à la DPJ. Sous prétexte de faire l’école à la maison, le père avait finalement obtenu l’accord des autorités pour s’en occuper lui-même. Cela me laisse songeur sur le niveau de communication entre les deux instances, mais aussi sur le contrôle effectif de ces “enseignants”. Ceci dit, l’école n’a pas créé le problème et, contrairement à certains discours, ce n’est pas non plus à elle de le régler. Non, madame Risqy, les écoles ne sont pas un refuge pour enfants en difficulté : on y travaille, on y forme l’esprit, on y devient plus autonome, plus ouvert d’esprit, plus équilibré, grâce aux sports et aux clubs, mais elle n’a pas vocation à remplacer une maison ou des parents.
Enfin, bizarrement, on ne se pose plus la question : l’état doit intervenir. Même les plus à droite, en nombre grandissant, le réclament à grands cris. Alors, c’est certain : les services à l’enfance vont être complètement revus, a annoncé le premier ministre Legault. Cela va s’ajouter à l’enquête publique ordonnée par la ministre de la Sécurité publique Guibault et aux deux ou trois autres enquêtes, dont l’enquête policière. La belle affaire! Et si on pensait à un peu plus de communication? Plus de gens qui auraient plus de temps pour partager l’information, évaluer la situation et mettre en place les solutions. tout simplement.