LETTRE
L’essence : prix minimum, profit maximum
Le prix de l’essence est une chose qui fait régulièrement rager les automobilistes québécois, mais on finit toujours par payer, car il ne semble pas y avoir de moyen d’obtenir de meilleurs prix. Et si je vous disais que, parfois, les essenceries aimeraient baisser leurs prix, mais c’est le gouvernement qui les en empêche? Ça sonne un peu fou, non?
C’est pourtant vrai. Chaque semaine, la Régie de l’énergie fait un calcul qui aurait de quoi faire rougir même Franz Kafka et établit un prix minimal en-dessous duquel l’essence ne peut pas être vendue aux détaillants. Cela s’appelle le prix minimum à la rampe de chargement. Au lieu de laisser les raffineurs fixer leurs prix en fonction de leurs vrais coûts, le gouvernement, à travers la Régie de l’énergie, tente d’estimer comme il le peut quels sont les coûts de raffinage et d’acquisition de chaque baril d’essence afin de fixer un prix qu’il présume être juste.
Non satisfaite d’empêcher les raffineurs de vendre leurs produits à plus faibles prix, la Régie de l’énergie calcule aussi ce qu’elle appelle le prix minimum estimé, établissant le prix minimal de vente d’essence dans les différentes stations-services du Québec. Bien que ce prix ne soit qu’une balise, il peut être utilisé par des propriétaires de stations-services compétitrices afin de forcer leurs confrères à augmenter leurs prix en envoyant des mises en demeure.
Selon la Régie de l’énergie, ces prix minimaux servent à protéger les essenceries indépendantes. Selon ses chiffres mêmes, le marché de l’essence au Québec est de plus en plus concentré. Tandis que les cinq plus grands joueurs détenaient 49% des parts de marché en 2010, ils en détiennent aujourd’hui 61%.
En fixant un prix, le gouvernement protège les marges de profits des stations-services, raffineries, et autres acteurs locaux de l’industrie pétrolière.
Renaud Brossard, FFC, Montréal