ÉDITORIAL
À l’heure de la performance
Nos enfants passent des examens en ce moment. Tous les jours, ou presque. Pour certains, au secondaire, depuis début mai. On pourrait même trouver que nos chères têtes blondes en ont trop de ces évaluations qui exercent une pression, qui exacerbent la compétition.
Plusieurs éléments doivent être pris en considération pour mieux saisir les enjeux de ce rituel annuel que sont les examens de fin d’année en particulier. D’abord, partons du principe qu’il y a trois types d’évaluations : diagnostique, formative et sommative. En d’autres mots, l’on peut évaluer ce que fait une personne au tout début de son apprentissage (pour mesurer ce qu’il/elle sait déjà), pendant le processus (pour mesurer ses progrès), et finalement l’évaluer une bonne fois pour toutes, à la « fin » d’une séquence pédagogique, d’un chapitre, d’unité de travail ou d’étape. Il va de soi que chaque évaluation sommative, avec ou sans aide de l’enseignant, est officiellement finale, mais, en réalité, n’est qu’une étape dans le développement de nos enfants. Et en mai-juin, l’examen de fin d’année est en quelque sorte l’évaluation sommative qui conclut toutes les autres évaluations sommatives partielles de l’année. Elle-même est une étape du long chemin qui mène vers la fin de l’éducation scolaire, après le secondaire, le collégial ou l’universitaire. Et si l’on considère que l’on ne cesse jamais d’apprendre, d’une certaine manière, jusqu’à notre mort, tout n’est qu’évaluation formative…
La discussion actuelle porte sur le fait que l’on « somme » nos jeunes, exige d’eux, qu’à un certain moment , en un lieu donné, ils-elles montrent ce qu’ils-elles savent faire. Pas avant, pas après. Il ne faut pas être malade ou anxieux, ou avoir autre chose en tête ce jour-là. Nous l’avons tous vécu. Mais est-ce vraiment nécessaire d’être ainsi évalué? Bien sûr, il est bon de savoir où nous en sommes dans un processus d’apprentissage. Cependant, les spécialistes ont des opinions partagées. En effet, il a été observé que pour certains élèves, capables de relativiser, l’enjeu est moindre. Dans ce cas-là, à quoi bon un examen? Ils réussissent déjà et, à la limite, n’en ont pas besoin. Pour d’autres, il s’agit d’un véritable « coup de pied au cul », qui les pousse à se dépasser, qui les mobilise. Enfin, certains craquent et échouent ou sont consolés dans leur échec… Tout cela pour une simple note, certes rassurante, mais en pourcentage : aucun enseignant digne de ce nom ne vous expliquera la différence entre un 59 et un 61 %. Cette note qui ne compte au final que pour 10, 20 ou 30 % de l’étape. Le stress en vaut-il vraiment la chandelle?
Dans plusieurs écoles, les cours se résument à préparer cet examen: du pur bachotage! Dès lors, à quoi bon? D’abord, la progression devrait valoir plus que le résultat, puis où commence la véritable réussite? Si l’examen consistait à concevoir et fabriquer une chaise, l’évaluation serait assez vite faite, mais pour des savoirs plus abstraits? On pourrait penser que les examens mettent inutilement en compétition nos enfants, dans des conditions qui ne leur permettent que rarement de « performer » : pas le choix de l’heure ni du lieu. L’évaluation ne doit pas devenir une fin en soi, elle doit rester un moyen au service de l’épanouissement de l’individu.