ÉDITORIAL
L’état de droit(e)
Au moment où vous lirez ces lignes, nous saurons si nos voisins du sud ont décidé de sanctionner Donald Trump pour ses égarements de ces deux dernières années… Or nous sortons à peine d’une élection au Brésil qui a vu le candidat d’extrême droite, Jail Bolsonaro, accéder au pouvoir. Nostalgique de la dictature qui a dominé de 1964 à 1985, il évoque à bien des égards le président américain par son discours sexiste, raciste, ultranationaliste, ultralibéral, anti-homosexuel, anti-immigrant, anti-minorité et pour le port d’armes ainsi que pour un état fort, mais réduit quasiment à ses fonctions régaliennes (la monnaie et la sécurité)… au risque de bafouer les droits et libertés fondamentaux. L’enjeu? L’intégrité des institutions qui garantissent ce que les spécialistes appellent l’état de droit, lui-même garant des libertés civiles ainsi que de l’ensemble des protections sociales. Et je ne parle même pas du défi environnemental!
Au Brésil, les élections ont connu un taux de participation très élevé (80 %); dans ces conditions, être élu avec une majorité des voix constitue un plébiscite. Ce ne fut pas le cas de Donald Trump en 2016 : le taux de participation plafonne aux É-U depuis un siècle à moins de 65 % et l’on sait qu’Hillary Clinton a bel et bien gagné au nombre de voix… En tout cas, le nouvel homme « fort » du Brésil fait suite à un nombre impressionnant d’autres hommes – les femmes ne connaitraient-elles donc pas cette pulsion de pouvoir extrême? – qui ont pris les commandes de leur pays respectif. Je pense ici à de grands pays, tant sur le plan géostratégique qu’économique. Italie : Matteo Salvini, de la ligue lombarde, à la tête du ministre de l’Intérieur; en Autriche, la participation au gouvernement du Parti de la liberté, à l’origine fondé par d’anciens nazis; en Hongrie, Viktor Orban, comme les autres dans la surenchère contre la liberté d’association, l’indépendance de la justice et les immigrants ; la Pologne ; la Russie; la Turquie ou les États-Unis.
Une dictature se définit comme suit: «régime politique qui se caractérise par une forme de pouvoir arbitraire, autoritaire, entièrement soumis à la volonté de celui ou ceux qui gouvernent. Les pouvoirs judiciaire (les tribunaux), législatif (le parlement) et exécutif (les ministres) sont alors directement liés aux décisions du dictateur. On n’y trouve aucun contrepoids [contrepouvoirs] : absence d’une presse libre, de syndicats, de partis d’opposition et absences de groupes de pression indépendants dans la société civile » (Université de Sherbrooke).
Ainsi, tous ces pays ne sont pas à proprement parler des dictatures, mais ils s’en rapprochent pas mal, non? On peut toujours se rassurer : nous, nous sommes loin de ces dérives. Pourtant, la plus grande démocratie au monde, les États-Unis (en fait l’Inde, mais passons) se sont donné un président qui n’hésite quasiment devant aucun moyen pour rester au pouvoir, à coup de décrets ; plus près de chez nous, Doug Ford recourt régulièrement à la violence rhétorique, à l’intimidation, dénonce le pouvoir des juges, etc. Enfin, pensons à la fameuse « réforme des institutions démocratiques » de Justin Trudeau, dont on n’entend plus parler après qu’il a renoncé à plus de proportionnalité dans le mode scrutin… Alors, restons vigilants et proactifs, améliorons notre démocratie au lieu de dormir sur nos lauriers!