ÉDITORIAL
La démocratie en panne
J’ai attendu dimanche soir 11 h pour me laisser une chance d’écrire un éditorial sur les résultats des élections municipales. J’avoue que c’était un peu bête, parce que le plus intéressant, en ce qui me concerne, a été la campagne et tout ce qui a précédé : les programmes, les débats, les conjectures, bref, la stimulation intellectuelle et morale que suscitent des élections. Pour le reste… l’issue du vote paraissait un peu prévisible, non? Je ne suis pas rentré dans le jeu des pronostics, mais il me semblait évident que le mécontentement de la population gatinoise n’était pas suffisamment fort ni général pour donner son congé au maire sortant.
M.Pedneaud-Jobin a gagné son pari : une bonne campagne électorale après un mandat sans gros scandale et avec quelques avancées. On peut dire ce qu’on veut sur le choix de fonder un parti politique à l’échelle d’une ville, cette tactique a été avantageuse pour lui. En effet, ses candidats présents dans tous les districts lui ont à la fois servi de porte-voix – pratique quand on ne peut être physiquement à plusieurs endroits au même moment — et de fusibles : ils ont essuyé les critiques en lieu et place de leur chef. Un bémol : il n’a pas obtenu la majorité au conseil et donc devra négocier avec une « opposition », pour le plus grand bien de la démocratie, même s’il n’est pas d’accord (cela le freinera certainement dans ses actions). Toutefois, le message des électeurs est clair : « On vous aime bien, mais pas au point de vous laisser les coudées franches ».
Ce qui me chiffonne, c’est un euphémisme, c’est le taux de participation, parce que le véritable enjeu est là : de 46,5 % en 1995 – vraiment pas extraordinaire — nous sommes passés cette année à 38,5 %. Si l’on regarde en détail les chiffres entre ces deux dates, c’est en dent de scie (42,8 %; 53,1 %; 47,7 %; 39,4 %; 41,8 %). En fait, si la fusion semble avoir causé une plus grande participation citoyenne, l’effet s’est vite estompé pour confirmer une tendance chronique à la baisse.
Personnellement, je lis les journaux (pas juste pour les pages sportives), dont le Bulletin d’Aylmer et la Revue Outaouais au niveau local, j’écoute les radios d’informations, etc. En somme, je m’informe et je crois être plutôt engagé dans ma communauté. Elle me tient à cœur ; donc savoir qui va me représenter aux différents paliers de gouvernement excite naturellement ma curiosité; je crois fermement que ces gens-là ont une influence sur ma vie. Pourquoi laisserais-je aux autres le soin décider pour moi de la personne qui va se retrouver aux commandes, qu’il s’agisse d’une conseillère municipale, d’un maire ou de députés? Ce serait un peu comme vous retrouver sur un terrain en uniforme pour jouer, mais regarder les autres jouer sans vous… Qui a envie de se retrouver dans pareille situation? Qu’on le veuille ou non, ça joue; il y aura des gagnants et des perdants, et on peut même sortir du terrain et se retrouver éliminé. Le manque de participation peut entrainer l’annulation du match ou la dissolution de l’équipe.
Or, que se passe-t-il dans une démocratie lorsqu’une population n’use pas des droits qui lui sont donnés, comme celui de voter? Les dirigeants portés au pouvoir sont élus par une minorité, cela nourrit la déception de la population, le désenchantement vis-à-vis du système, laissant la porte grande ouverte aux sauveurs du peuple aux motivations équivoques, qui portent souvent des idées extrêmes ou des projets douteux … C’est ainsi que les dictatures avancent à pas feutrés.