ÉDITORIAL
« La liberté de presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas »
Je ne crois pas en la providence. Pas plus qu’en Dieu. Et donc certainement pas au hasard. Un journaliste arrêté par la police de Gatineau suite à une plainte pour harcèlement + une loi provinciale (164), qui rend plus opaque la « Loi sur l’accès aux documents de organismes publics et sur la protection des renseignements personnels » + une décision juridique qui force une journaliste de Radio-Canada à dévoiler ses sources d’information + une situation mondiale dénoncée par Reporters sans frontières, où plus que jamais les journalistes deviennent des cibles politiques… Faut-il réexpliquer encore une fois l’enjeu démocratique qui se cache derrière le respect que l’on doit à cette profession?
Le journalisme est récent dans l’histoire de l’humanité, il est le corollaire de la démocratie. Depuis les colporteurs de nouvelles au Moyen âge, qui parlaient des faits divers, des grands évènements politiques de leur temps, en passant par les premiers « placards » ou périodiques de quelques pages distribués au XVIe et au XVIIe siècles, puis aux « libelles » et autres pamphlets politiques du XVIIIe, c’est seulement au XIXe siècle avec la généralisation de la démocratie en Europe que nait le journalisme professionnel, établi comme un corps de métier. Les formats du reportage, des interviews sont plus récents. Et nous voilà aujourd’hui à nous demander si les technologies de l’information et de la communication, l’avènement des médias sociaux vont entrainer une disparition de ce métier. En attendant, la mission du journaliste est essentiellement de rendre compte du présent en cherchant des sources d’information, en analysant les faits et en mettant en forme une interprétation accessible aux citoyens.
Dans ces conditions, comment la police a-t-elle pu arrêter Antoine Trépanier sans vérifier minimalement les accusations d’Yvonne Dubé? Les journalistes ont une déontologie, un code éthique, même s’ils ne prêtent pas serment comme les médecins. Ainsi, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a adopté depuis 1996 un Guide de déontologie qui porte sur les « valeurs fondamentales », la « vérité et la rigueur », la « cueillette de l’information » ou encore la « protection des sources » , la « vie privée », les « droits de la personne », etc. Bref, un journaliste peut chercher à vous contacter 3-4 fois, de différentes manières… C’est sa job! Vous n’avez qu’à répondre et tout ira bien; vous croyez sérieusement qu’il le fait par sadisme?
Malheureusement, je n’ai que 600 mots pour en parler, mais si vous m’avez suivi, vous comprendrez mon étonnement : au nom de quoi le juge Jean-François Émond peut-il demander à Marie-Maude Denis de rompre la confidentialité de ses sources dans l’affaire de l’abus de confiance qui touche les ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté? Et comment le PLQ - ardent démocrate ? - a-t-il pu faire passer la loi 164 en douce, au détriment de notre droit à l’information (qui découle de la liberté de conscience et de pensée)? Malgré les avertissements du Protecteur du Citoyen, du Conseil de presse, de la FPJQ ou du père de la loi d’accès, cette loi a été adoptée en urgence et sans consultation aucune ; seul QS s’y est opposé.
À l’heure où des journaux disparaissent chaque mois, sous forme papier ou pas, où la confiance des citoyens dans le « 4ème pouvoir » fait le yo-yo, allons-nous accepter que l’on emprisonne, et pourquoi pas bientôt qu’on agresse un professionnel parce qu’il tient un crayon, un micro ou une caméra, essaie de nous informer et de nous rendre plus intelligents?