ÉDITORIAL
La marque libérale
J’ai déjà écrit sur monsieur Couillard et son personnage paternaliste de gros ours bourru mais amical. L’actualité de ces derniers mois m’a amené à me poser une question : qu’est-ce vraiment être libéral? D’après le dictionnaire Larousse, c’est : 1) en économie, privilégier l’individu et sa liberté ainsi que le libre jeu des actions individuelles conduisant à l’intérêt général 2) en politique, limiter les pouvoirs de l’État au regard des libertés individuelles 3) avoir une attitude de compréhension qui pousse à la tolérance. Mettons simplement la théorie à l’épreuve des faits.
Avec le projet 70 sur l’aide sociale, le gouvernement Couillard veut couper les allocations chômage de moitié si l’on manque à nos obligations d’insertion au marché du travail. Le but étant de régler le problème du chômage de longue durée. La logique est un peu simpliste : 200 postes à pourvoir au Saguenay dans la pétrochimie, 200 chômeurs à Montréal et hop on envoie tout ce petit monde à Alma. 200 « assistés » de moins. Toutefois, un état engagé à ce point -là dans la lutte contre le chômage, ça ne fait pas très libéral ça. Même pas au sens philosophique du terme : depuis quand l’état doit-il imposer à quiconque comment vivre. Imaginons que je désire prendre une année sabbatique pour écrire mon troisième roman; dois-je en être puni, suis-je un parasite de la société?
Autre exemple, tous ces ministres, dont les amis ou les conjoints bénéficient des faveurs de l’état pour obtenir des contrats publics. On pourrait presque croire qu’en fin de compte cet intérêt purement individuel conduira à l’intérêt général, mais j’ai un doute. À moins que le hasard fasse bien les choses (pour ceux qui jouent souvent au loto). Non : la collusion entre le PLQ et le milieu de l’entreprise est telle que le gouvernement n’a même plus le discernement nécessaire pour y couper court. Combien de ministres libéraux, aussitôt quitté leur charge publique, ont-ils « trouvé » un emploi dans le secteur privé correspondant à leur ministère, et à quelle vitesse!
On continue? Nul doute que les coupes budgétaires (au nom de la quête quasi mystique du déficit zéro) correspondent à la doctrine libérale, dans le sens politique du terme. Au profit des libertés individuelles? On peut en douter, sinon celle pour les plus riches de gagner plus et pour les autres de se débrouiller sans l’aide de l’état. En éducation et en santé, par exemple, ou une famille aisée pourra toujours se débrouiller en plaçant son petit dernier dans l’école privée qui lui convient ou en allant dans une autre province ou aux États-Unis trouver le spécialiste qu’il lui faut. Dans son rapport annuel, la protectrice du citoyen l’affirme : ce sont les personnes déjà vulnérables (jeunes et ainés, chômeurs et malades) qui ont pâti des compressions libérales. Dois-je aussi parler du « laisser-faire » très libéral en matière d’achat des fleurons de l’économie québécoise par des groupes étrangers ou de la pseudo-réforme de la loi sur les mines, qui laisse encore toute la liberté aux entreprises de faire ce qu’elles désirent avec nos ressources naturelles non renouvelables sans payer d’impôts?
De tout cela il ressort selon moi que le PLQ, qui a quand même eu Jean Charest (un conservateur fédéral) comme chef pendant 9 ans, a une tolérance assez sélective en réalité. Visiblement, libéral n’est pas synonyme de progressiste (à l’origine, aux États-Unis, un mouvement réformateur qui combattait les excès de la société industrielle et l’injustice sociale). Au final, nous sommes renvoyés au modèle de société dans lequel nous aimerions vivre : avec ou sans solidarité.