ÉDITORIAL
La parabole du pick-up
Le souper fini, vous faites votre promenade quotidienne. Soudain, face à vous, déboule un deux roues au phare aveuglant, vous vous écartez pour l’éviter… Sans voir que derrière lui roule à tombeau ouvert, phares éteints, un de ses pick-up monstrueux symboles de puissance virile et de succès en affaires. Et bien les plans de relance « verts » que les deux paliers de gouvernement — provincial et fédéral — ont présentés récemment sont comme ce pas de côté, avant que le pick-up vous percute ! Guère plus.
Les chiffres sont toujours impressionnants lancées à la volée : 6,7 milliards de dollars sur 5 ans pour réduire les GES ! Avec les meilleures raisons comme justification en plus. Problème : le Plan pour une économie verte du gouvernement Legault consiste principalement à prolonger un petit 8000 $ pour l’achat d’un véhicule électrique (vive l’auto solo !), participer à une bourse où le carbone se négocie à un prix dérisoire (continuons à polluer !), financer l’électrification des transports publics et de marchandises et aider à un chauffage moins énergivore (quand même !). Mais Legault l’admet : seront atteints seulement 42 % des objectifs pour 2030, eux-mêmes ne constituant que 37,5 % des GES de 1990. On est très loin du compte.
Certains rétorqueront qu’il faut y ajouter les mesures municipales et fédérales. Puis les nouvelles technologies. Et le fait que tous les véhicules seront électriques d’ici 2035 ! Plus besoin de faire d’efforts, alors ? Ce qui est extraordinaire, c’est que le gouvernement Trudeau propose à peu près les mêmes choses. Au lieu d’y voir une harmonie parfaite, si j’étais méchant, je parlerais plutôt d’inertie parfaite : ces pas de géant sont bien timides en vérité.
Mais ça fait bien de parler « vert », ça rapporte même des voix : regardez comment Trudeau a réussi à embrouiller les électeurs en 2019, à la dernière minute, avec la promesse de carboneutralité et la plantation de deux milliards d’arbres. Oui, ça fait bien, même si on reste dans le déni. Pourquoi ? Une étude prouve que le réchauffement climatique bénéficie à court terme aux pays vivant sous les 15 degrés Celsius en moyenne (Oxford Economics, 2020), comme l’Amérique du Nord, l’Europe ou l’Asie centrale. La vérité est que, contrairement à la pandémie, ils ne sentent pas vraiment touchés de prés.
L’ironie est d’autant plus grande qu’une des causes probables de ce virus réside dans la destruction par l’activité humaine des écosystèmes qui servent de barrières naturelles et évitent le contact entre certaines espèces porteuses de virus et l’humain. Donc le problème de fond n’est pas sanitaire, il est écologique. Nous devons réduire notre consommation d’énergie drastiquement, pas seulement consommer différemment !
Et que font ces gouvernements de l’écofiscalité ? Tant que l’on ne touchera pas au porte-monnaie, la plupart d’entre nous ne changerons pas d’habitude. Prix de la tonne de carbone ou surtaxe à l’achat d’un véhicule plus polluant, pourquoi ne pas payer davantage quand on pollue davantage ? Croyez-vous que le projet de loi C-12 des libéraux fédéraux, qui peut toujours promettre que les prochains gouvernements prendront un « virage vert », soit autre chose que de la poudre aux yeux, en vue des élections à venir ? Il n’y a d’ailleurs aucun objectif pour 2025… Et toujours pas un seul arbre replanté. Mais le pick up fonce sur nous plus rapidement que jamais !