ÉDITORIAL
« Laisse le vent souffler… » (Zachary Richard)
Je voulais parler des élections municipales. C’est très intéressant, parce que cela nous touche très concrètement, au quotidien. Mais actualité oblige, difficile de ne pas aborder la question climatique. La météo, cela relève de ce que les linguistes appellent la communication phatique, c’est à dire les échanges verbaux du style : « Il fait beau aujourd’hui ? – Oui, mais ils prévoient de la pluie demain… ». On aime bien ça, parler du temps qu’il fait, mais en général, nous n’apprenons rien, ces discussions ne nous bousculent pas vraiment. C’est plutôt le contraire ; elles nous rassurent. C’est prouvé : elles visent en fait à maintenir le lien social.
Vous me direz peut-être, les Antilles, le golfe du Mexique ou la Floride, c’est loin. Si n’était le fait qu’une bonne partie du Québec y descend en hiver pour combattre la dépression hivernale, quel intérêt ? C’est vrai. D’ailleurs, au même moment, un séisme d’une magnitude historique (8,2) a fait en quelques minutes 60 morts et des millions de dollars de dégâts au Mexique… Il n’y a pas eu d’émission spéciale au Canada sur ce désastre que je sache. C’est davantage une question de distance psychologique que de distance kilométrique.
Cependant, là n’est pas le problème. Nous devrions plutôt nous interroger sur d’autres aspects plus cruciaux. Par exemple : pourquoi ne pas revoir les modèles de prévisions de ces événements afin de créer une nouvelle norme ? Pourquoi continuer de développer les villes sur le même modèle, en laissant construire sur des zones inondables ? Dans quelle mesure la violence grandissante de ces ouragans – et des autres événements climatiques, comme les inondations - est-elle directement le résultat de notre activité ? En effet, le réchauffement des océans, l’une des causes principales de la force surprenante des phénomènes climatiques, provient d’un réchauffement atmosphérique dû à l’expulsion de gaz divers, tels que le grand méchant dioxyde de carbone (CO2).
Alors, s’il est vrai que quelques initiatives ont été prises (accords internationaux sur le plafond d’émission de CO2, création d’une bourse du carbone, rencontres douloureuses oserais-je dire, de nos dirigeants pour annoncer qu’ils feront tout pour limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius), au Québec, Couillard essaie de nous faire avaler que l’exploitation du gaz sera plus verte, alors qu’elle dégage du méthane, un gaz vingt-trois fois pire que le CO2, pendant que Trudeau vante une transition écologique basée sur… le pétrole, dont il autorise la moitié des projets d’exploitation. Tout cela financé par le fonds vert au Québec ou par des subventions fédérales que nos impôts approvisionnent, parce que ces entreprises font un soi-disant effort pour l’environnement. On croit rêver !
Nous sommes collectivement de mauvais élèves. Et, admettons-le, nous sommes aussi individuellement de mauvais élèves, à nous réjouir de la baisse du prix de l’essence, à nous gargariser lorsque nos gouvernements nous présentent des cimenteries et des pipelines comme des opportunités économiques, à encenser nos véhicules à moteur (voitures, motos, quads, bateaux, motoneiges, etc.), à aller au travail seul(e) en voiture. Je sais que le mot fait peur, mais je le répète : il faut un changement ra-di-cal, car, regardons la vérité en face : nous n’y arriverons jamais… À moins d’un changement total de mode de vie et de consommation. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les scientifiques et les experts du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Comme si les inondations ne suffisaient pas, avons-nous aussi besoin d’un ouragan pour l’accepter ? Combien de morts et de destruction cela prendra-t-il avant que l’on comprenne ?